La victime peut rapporter la preuve de son préjudice d’agrément par simples témoignages
Le 22 juin 2015, le salarié d’une société spécialisée dans la papeterie a établi une déclaration de maladie professionnelle pour une pathologie que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des VOSGES a prise en charge au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles.
Le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (le FIVA), subrogé dans les droits de la victime, a saisi une juridiction de sécurité sociale d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Par arrêt en date du 14 septembre 2018, la Cour d’Appel de NANCY a notamment fait droit à la demande d’indemnisation au titre du poste « Préjudice d’agrément » du salarié en application des dispositions de l’article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale.
Comme le rappelle la nomenclature Dintilhac :
« Ce poste vise exclusivement à réparer le préjudice d’agrément spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.
Ce poste de préjudice doit être apprécié in concreto compte tenu de tous les paramètres individuels de la victime (âge, niveau, etc.) ».
Pour obtenir la réparation de ce poste de préjudice, le salarié victime doit rapporter la preuve qu’il pratiquait de façon régulière une ou plusieurs activités spécifiques sportives ou de loisirs et que l’exercice de ces activités lui est devenu impossible ou plus difficile qu’avant l’accident.
Or, en l’espèce, l’employeur de la victime soutenait que son salarié ne rapportait pas la preuve de la réalité de ce poste de préjudice.
L’employeur s’est donc pourvu en cassation à l’encontre de l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de NANCY.
Aux termes de son pourvoi, il expose que « la victime d’une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur ne peut obtenir une indemnisation complémentaire au titre d’un préjudice d’agrément qu’à condition d’établir la pratique régulière d’une activité spécifique dont l’interruption consécutive au sinistre lui cause un préjudice distinct du déficit fonctionnel consécutif aux séquelles de la maladie ».
Selon lui, son salarié échouait à rapporter la preuve d’une activité spécifique, antérieure à l’accident, de telle sorte qu’aucune indemnisation ne saurait lui être allouée au titre du préjudice d’agrément.
Toutefois, par arrêt en date du 28 novembre 2019 (Cour de cassation, Civile 2ème, 28 novembre 2019, Pourvoi n°18-24169), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation développée par l’employeur et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de NANCY.
Comme le rappelle la Cour de cassation, « il résulte des témoignages produits aux débats que la victime était une personne particulièrement active, qui pratiquait de nombreuses activités sportives et de loisirs (marche, jardinage) qui ont cessé avec la maladie ».
Sur la base de ces seuls éléments, la Cour d’Appel de NANCY était donc bien fondée à reconnaître et caractériser l’existence d’un préjudice d’agrément ouvrant droit à indemnisation au profit du salarié victime.
Selon la Cour de cassation, la preuve du préjudice d’agrément peut donc être rapportée par de simples attestations et témoignages.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.