Accident de la circulation et offre d’indemnisation manifestement insuffisante
Le 22 mars 2006, une femme a été blessée au cours d’un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule appartenant à une société et assuré auprès des Mutuelles du Mans Assurances IARD.
Après une expertise médicale ordonnée en référé, la victime a assigné le conducteur, la société propriétaire du véhicule et l’assurance automobile, en présence du Régime Sociale des Indépendants (RSI) des ALPES et de la société April Assurances, afin d’obtenir la réparation intégrale de ses préjudices.
Par arrêt en date du 10 janvier 2017, rendu sur renvoi après cassation, la Cour d’Appel de GRENOBLE a débouté la victime de sa demande tendant au doublement du taux d’intérêt légal à compter du 12 novembre 2006 jusqu’au jour de l’arrêt attaqué rendu le 10 janvier 2017.
Pour ce faire, elle a retenu que la date de consolidation de la victime ayant été connue de l’assureur lors de la réunion d’expertise du 12 juin 2008, l’offre d’indemnisation qu’il a formée l’a été dans le délai de cinq mois prévus par les textes.
Par ailleurs, la Cour d’Appel de GRENOBLE a estimé que l’offre d’indemnisation formulée par les MMA n’était pas manifestement dérisoire au regard des montants proposés à la victime, le poste « pertes d’exploitations » étant notamment porté pour mémoire.
Selon la juridiction, la compagnie d’assurance du véhicule impliqué dans l’accident de la circulation avait donc rempli ses obligations envers la victime.
Toutefois, cette dernière s’est pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Par arrêt en date du 29 août 2019 (Cour de cassation, Civile 2ème, 29 août 2019, Pourvoi n°18-12759), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par la victime et censuré la décision rendue par la Cour d’Appel de GRENOBLE au visa des articles L.211-9 et L.211-13 du Code des Assurances.
Comme le rappelle l’article L.211-9 du code précité :
« Quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n’est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n’est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n’a pas été entièrement quantifié, l’assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.
Une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident. En cas de décès de la victime, l’offre est faite à ses héritiers et, s’il y a lieu, à son conjoint. L’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un règlement préalable.
Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.
En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique.
En cas de pluralité de véhicules, et s’il y a plusieurs assureurs, l’offre est faite par l’assureur mandaté par les autres ».
Par ailleurs, l’article L.211-13 du même code dispose que :
« Lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L. 211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur ».
Aux termes de son arrêt en date du 29 août 2019, la Cour de cassation rappelle qu’en application des dispositions précitées, l’assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime, dans les délais impartis, une offre d’indemnité qui doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice.
A défaut, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produira intérêt de plein droit, au double du taux de l’intérêt légal, à l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.
La Cour de cassation prend soin de préciser que l’offre manifestement insuffisante équivaut à l’absence d’offre.
Or, en l’espèce, si l’assureur du véhicule impliqué avait bien fait une offre à la victime dans les délais qui lui étaient impartis, force était de constater que cette offre ne portait pas sur tous les éléments indemnisables du préjudice.
En effet, l’offre de l’assureur ne comprenait pas les postes relatifs aux frais divers, à la perte du stock de marchandises et au définitif fonctionnel temporaire.
Par conséquent, cette offre était manifestement insuffisante.
L’offre manifestement insuffisante étant assimilée à une absence d’offre, la somme allouée à la victime en justice devait donc porter intérêt au double du taux légal à compter de la date à laquelle elle aurait dû être faite jusqu’au jour du jugement définitif.
Dès lors, l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de GRENOBLE le 10 janvier 2017 est cassé et l’affaire est renvoyée devant la Cour d’Appel de LYON.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.