Rappel des règles applicables en matière d’accident du travail et de faute inexcusable de l’employeur

Rappel des règles applicables en matière d’accident du travail et de faute inexcusable de l’employeur
Publié le 15/11/19

Lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail, il peut, sous certaines conditions, saisir le Pôle Social du Tribunal de Grande Instance territorialement compétent afin de tenter de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur et d’être indemnisé de l’ensemble de ses préjudices.

En effet, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, le salarié peut alors prétendre à une indemnisation complémentaire.

Comme le rappelle l’article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale :

« Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation dans les conditions définies aux articles suivants ». 

En pratique, le salarié aura droit à une majoration de la rente qui s’ajoute à la majoration forfaitaire qui lui est versée en application de l’article L.452-2 du même code.

Par ailleurs, en plus de cette majoration de rente, le salarié a également droit à d’autres indemnités.

L’article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale dispose à cette fin que :

« Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

De même, en cas d’accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n’ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l’employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur ».

En plus de la majoration de rente, le salarié aura ainsi droit de demander une indemnisation au titre des souffrances physiques et morales endurées, de son préjudice esthétique, de son préjudice d’agrément et de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Néanmoins, force est de constater que l’article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale fixe de manière limitative la liste des postes de préjudice indemnisables au profit de la victime en cas de faute inexcusable de l’employeur.

Saisi d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel est toutefois venu préciser, le 18 juin 2010, qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur, le salarié devait pouvoir demander réparation de l’ensemble des préjudices non couverts par la rente qui lui est versée et non pas seulement ceux définis limitativement à l’article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale.

Prenant acte du caractère non restrictif de l’article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale, la Cour de cassation est alors venue, au fil de ses décisions, préciser les différents préjudices pouvant être indemnisés, au profit de la victime, en cas d’accident du travail imputable à la faute inexcusable de son employeur.

Par ailleurs, la Cour de cassation ne cesse, au fil de ses arrêts, de rappeler les conditions indispensables à la reconnaissance de la faute inexcusable d’un employeur.

C’est notamment ce qu’elle a fait par trois décisions rendues au cours du printemps 2019 (Cour de cassation, Civile 2ème, 4 avril 2019, Pourvoi n°18-14009 ; Cour de cassation, Civile 2ème, 29 mai 2019, Pourvoi n°18-17297 Cour de cassation, Civile 2ème, 20 juin 2019, Pourvoi n°18-19175).

Il ressort de ces trois arrêts, comme de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, que la faute inexcusable d’un employeur ne saurait être reconnue que si un salarié rapporte une double preuve : d’une part que son employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et, d’autre part que cet employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour prévenir la réalisation de ce danger.

La Cour de cassation précise notamment aux termes de son arrêt en date du 20 juin 2019 (Cour de cassation, Civile 2ème, 20 juin 2019, Pourvoi n°18-19175) que :

            « Vu l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon ce texte, que l’employeur, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents de travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en protéger ; qu’il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié, mais qu’il suffit qu’elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage ».  

Il n’existe bien évidemment aucune liste limitative des manquements donnant lieu à la reconnaissance de la faute inexcusable d’un employeur et ouvrant droit à indemnisation au profit d’un salarié victime d’un accident du travail ; ces manquements sont extrêmement divers.

Il peut s’agir d’une absence de fourniture d’équipements de protection individuelle, d’une absence de mise en place d’équipements de protection collectif, d’une absence de formation d’un salarié…

Les juridictions apprécient donc, au cas par cas, si la responsabilité de l’employeur est engagée à la suite d’un accident du travail de l’un de ses salariés.

En l’espèce, dans les deux premiers arrêts précités (Cour de cassation, Civile 2ème, 4 avril 2019, Pourvoi n°18-14009 ; Cour de cassation, Civile 2ème, 29 mai 2019, Pourvoi n°18-17297), la faute inexcusable de l’employeur a été reconnue par la Cour de cassation en raison d’un défaut de formation renforcée à la sécurité de travailleurs intérimaires.

Effectivement, par exception, les articles L.4154-2 et L.4154-3 du Code du Travail établissent une faute inexcusable présumée au bénéfice des salariés intérimaires n’ayant pas bénéficié d’une formation à la sécurité renforcée.

La démonstration d’une telle formation dans ces affaires s’avère donc primordiale.

Dans la première affaire, un travailleur intérimaire, embauché en tant que coffreur-brancheur, avait reçu instruction de couler des éléments en béton à l’intérieur d’un bâtiment en construction qui comprenait plusieurs étages. Au cours de l’exécution de sa mission, le salarié avait malheureusement fait une chute mortelle de 8 mètres de hauteur.

La Cour d’Appel de TOULOUSE ayant, par arrêt en date du 27 septembre 2017, rejeté toute faute inexcusable de l’employeur, la Cour de cassation a censuré cette décision en considérant que le salarié intérimaire n’avait pas bénéficié d’une « formation renforcée à la sécurité assortie d’une information adaptée aux conditions de travail ».  

Dans la seconde affaire, un travailleur intérimaire de nationalité turque, qui ne parlait ni ne lisait le français, avait été victime d’un accident du travail alors qu’il était affecté à un poste de manutention de barres, de bobines et de cerclages de palette ; lors d’un changement de bobine son bras s’était coincé au niveau de l’enrouleur, provoquant une double fracture de l’avant-bras.

La Cour d’Appel de RIOM ayant également rejeté toute faute inexcusable de l’employeur par arrêt en date du 31 janvier 2017, la Cour de cassation a censuré à nouveau cette décision en considérant que l’employeur aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et le former en conséquence.

Enfin, dans son troisième arrêt en date du 20 juin 2019 (Cour de cassation, Civile 2ème, 20 juin 2019, Pourvoi n°18-19175), la Cour de cassation a sanctionné un employeur en raison de l’absence de ceinture de sécurité dans un camion de chantier.

En l’espèce, un conducteur de poids lourds avait été victime d’un accident de la circulation après avoir perdu le contrôle de son véhicule alors qu’il rentrait au siège de l’entreprise ; le salarié avait été éjecté de l’habitacle du véhicule en raison de l’absence de toute ceinture de sécurité dans le camion.

La Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE ayant écarté, elle aussi, toute faute inexcusable de l’employeur par arrêt en date du 16 juin 2017, la Cour de cassation a censuré cette décision en considérant que l’absence de ceinture de sécurité dans le poids lourd avait nécessairement concouru à la réalisation du dommage causé par l’accident et révélé le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Force est donc de constater que la Cour de cassation s’emploie à vérifier strictement les conditions nécessaires à la reconnaissance de la faute inexcusable d’un employeur et à l’indemnisation des salariés victimes d’accidents du travail.

Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.

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