Commissions d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) : régime d’indemnisation autonome
Un enfant, né le 30 août 1989 au sein d’un établissement relevant de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, a été victime d’une anoxie prolongée à la suite de complications durant l’accouchement et à l’origine de lésions cérébrales irréversibles.
Ses parents, agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentants légaux de leur fils mineur, ont alors saisi le Tribunal Administratif de PARIS afin de voir reconnaître la responsabilité de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris et solliciter la réparation intégrale de leurs préjudices.
Tant le Tribunal Administratif que la Cour Administrative d’Appel de PARIS ont reconnu la responsabilité de l’établissement public de santé et se sont prononcés sur les demandes d’indemnisation des victimes.
Par requête en date du 8 juin 2013, le père, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de tuteur de son fils mineur, et son épouse ont saisi une Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions afin de voir ordonner une expertise médicale de leur enfant et d’obtenir le versement d’indemnités provisionnelles.
Par arrêt en date du 18 janvier 2018, la Cour d’Appel de PARIS a considéré que les demandes présentées devant la CIVI étaient irrecevables.
Si le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) ne contestait pas que l’enfant avait bien été victime de faits présentant le caractère matériel d’une infraction, la Cour d’Appel de PARIS a néanmoins considéré que les demandes formées par les victimes devant la CIVI portaient sur des postes de préjudices intégralement réparés par les juridictions administratives.
Les victimes se sont alors pourvues en cassation à l’encontre de cette décision.
Par arrêt en date du 4 juillet 2019 (Cour de cassation, Civile 2ème, 4 juillet 2019, Pourvoi n°18-13853), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation des victimes et censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de PARIS et ce, au visa de l’article 706-3 du Code de Procédure Pénale.
Cet article dispose que :
« Toute personne, y compris tout agent public ou tout militaire, ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes :
1° Ces atteintes n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) ni de l’article L. 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ier de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation et n’ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts ;
2° Ces faits :
-soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ;
-soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, 224-1 A à 224-1 C, 225-4-1 à 225-4-5, 225-5 à 225-10, 225-14-1 et 225-14-2 et 227-25 à 227-27 du code pénal ;
3° La personne lésée est de nationalité française ou les faits ont été commis sur le territoire national.
La réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime ».
Comme le rappelle la Cour de cassation dans son arrêt, « ce texte institue en faveur des victimes d’infractions un régime d’indemnisation autonome, répondant à des règles qui lui sont propres, la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (la CIVI) devant fixer le montant de l’indemnité allouée en fonction des éléments de la cause, sans être tenue par la décision de la juridiction précédemment saisie ».
Selon la Cour de cassation, il était indifférent que des juridictions administratives se soient d’ores et déjà prononcées sur le montant des indemnités à allouer à l’enfant et à ses proches à la suite de l’accident médical fautif dont il a été victime.
Les demandes indemnitaires de l’enfant victime et de ses proches étaient également recevables devant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions qui constitue un régime autonome d’indemnisation.
La CIVI aurait donc dû déclarer les demandes recevables et se prononcer à nouveau sur le montant des indemnités à allouer à l’enfant ainsi qu’à ses proches à la suite de sa prise en charge médicale défaillante et ce, en fonction des éléments du dossier qui lui ont été transmis et de façon totalement indépendante.
Toutefois, afin d’éviter une double indemnisation des différentes postes de préjudices, la CIVI aurait dû déduire de ses propres évaluations les sommes déjà allouées par les juridictions administratives.
Ne l’ayant pas fait, l’arrêt rendu le 18 juin 2018 par la Cour d’Appel de PARIS est cassé et l’affaire est renvoyée devant la même Cour d’Appel, autrement composée.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.