Indemnisation des pertes de gains professionnels actuels de la victime et aide bénévole de son conjoint
A la suite de soins orthodontiques réalisés au cours des années 2007 et 2008, une patiente, gérante d’un centre équestre, a présenté différents troubles qui ont notamment entraîné une diminution de ses capacités professionnelles.
Assigné en responsabilité et indemnisation, l’orthodontiste, exerçant son activité à titre libérale, a été déclaré responsable du dommage subi par sa patiente consécutivement aux soins et condamné à réparer ses préjudices.
Par arrêt en date du 11 janvier 2018, la Cour d’Appel de LYON a refusé d’indemniser la victime au titre de ses pertes de gains professionnels actuels.
Comme le rappelle la nomenclature Dintilhac :
« ces pertes de gains peuvent être totales, c’est-à-dire priver la victime de la totalité des revenus qu’elle aurait normalement perçus pendant la maladie traumatique en l’absence de survenance du dommage, ou être partielles, c’est-à-dire la priver d’une partie de ses revenus sur cette période.
L’évaluation judiciaire ou amiable de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d’une perte de revenus établie par la victime jusqu’au jour de sa consolidation ».
Pour rejeter la demande indemnitaire de la patiente au titre des pertes de gains professionnels actuels, la Cour d’Appel de LYON a considéré que cette dernière n’avait subi aucune perte personnelle dès lors que l’aide bénévole de son mari dans le centre équestre avait permis de compenser toute perte et que l’économie liée à cette assistance bénévole ne constituait pas un préjudice indemnisable.
La victime s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Par arrêt en date du 22 mai 2019 (Cour de cassation, Civile 1ère, 22 mai 2019, Pourvoi n°18-14063), la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de LYON et fait droit à l’argumentation de la patiente au visa du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.
Comme le rappelle la Cour de cassation, à la suite de la faute commise par l’orthodontiste, la patiente a eu besoin d’être aidée dans l’exploitation de son centre équestre.
Sans l’aide bénévole de son conjoint, la victime aurait, soit dû exposer des frais pour bénéficier d’une assistance, soit subi une perte de gains professionnels.
De plus, dans la mesure où le caractère bénévole de l’assistance familiale dont elle avait bénéficié n’était pas contesté, l’indemnisation du préjudice de la victime ne pouvait être subordonnée à la production de justificatifs des dépenses effectives.
Ainsi, selon la Cour de cassation, la patiente était bien fondée à solliciter l’indemnisation de ses pertes de gains professionnels actuels correspondant à l’aide bénévole de son conjoint sur le centre équestre, sans laquelle elle aurait dû exposer des frais pour bénéficier d’une assistance ou subi une perte de gains professionnels.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.