Responsabilité des propriétaires de chiens à l’origine de la chute d’une cavalière
L’article 1243 du Code civil (Anciennement 1385 du Code civil) encadre le régime de la responsabilité du fait des animaux.
Comme le rappelle cet article :
« Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ».
Cet article était, en 1804, l’une des seules dispositions relatives à la responsabilité du fait des choses et représentait un contentieux non négligeable devant les juridictions compte tenu du caractère rural de la France à cette époque.
Le régime de l’article 1243 du Code civil fut progressivement façonné par la jurisprudence, les décisions successives allant progressivement dans le sens d’une objectivation de cette responsabilité.
Quatre conditions sont désormais nécessaires pour qu’une victime puisse être indemnisée de ses préjudices sur le fondement de la responsabilité du fait des animaux, à savoir :
- Le rôle actif d’un animal lors de l’accident ;
- L’existence d’une personne responsable de l’animal (propriétaire ou gardien) ;
- L’existence d’un dommage réparable ;
- L’existence d’un lien de causalité ;
La Cour de cassation opère traditionnellement une distinction s’agissant du lien de causalité.
En effet, si l’animal était mobile au moment de l’accident et est entré en contact avec la victime, le rôle actif de cet animal est alors présumé ; la Cour de cassation considère que l’animal a été l’instrument du dommage.
La victime n’a pas à rapporter la preuve du rôle actif de l’animal mais uniquement de sa participation matérielle à l’accident.
En revanche, en l’absence de mouvement de l’animal et/ou de contact avec la victime, cette présomption de rôle actif ne trouve plus à s’appliquer ; il appartient donc à la victime d’en rapporter la preuve.
C’est que vient de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt en date du 17 janvier 2019 (Cour de cassation, Civile 2ème, 17 janvier 2019, Pourvoi n°17-28861).
En l’espèce, une cavalière a été victime d’une chute alors qu’elle se promenait avec un autre cavalier.
Selon elle, cette chute était imputable à la présence, sur son chemin, de deux chiens.
La cavalière victime et ses parents ont assigné les propriétaires des chiens ainsi que leurs assureurs respectifs en indemnisation de leurs préjudices et ce, en présence de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’AIN.
Par arrêt en date du 5 octobre 2017, la Cour d’Appel de LYON a fait droit à l’argumentation de la victime et déclaré les propriétaires des chiens responsables in solidum de l’accident, les condamnant également à réparer les préjudices de la cavalière.
Les propriétaires des chiens se sont alors pourvus en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de leurs pourvois, ils rappellent que la responsabilité du propriétaire d’un animal suppose la preuve du rôle actif de celui-ci dans la survenance du dommage.
Ils ajoutent qu’en l’absence de contact avec la victime, le rôle actif de l’animal résulte, soit de l’anomalie de sa position, soit de son comportement.
Or, ils exposent que, le jour de l’accident, les chiens ne se sont pas approchés à moins de 10 mètres des chevaux.
De plus, ces chiens n’ont eu, selon eux, aucun comportement exceptionnel ou inhabituel.
Plus précisément, ils n’ont pas montré une quelconque agressivité à l’encontre des chevaux et ne se sont pas trouvés en divagation.
Par conséquent, leurs chiens n’ont eu, selon eux, aucun rôle actif dans la chute de la cavalière ce jour-là.
Toutefois, aux termes de son arrêt en date du 17 janvier 2019 (Cour de cassation, Civile 2ème, 17 janvier 2019, Pourvoi n°17-28861), la Cour de cassation n’a pas fait droit à cette argumentation et a rejeté les pourvois des propriétaires des chiens.
Comme le souligne la Cour de cassation, les deux cavaliers avaient fait une vingtaine de mètres dans l’impasse dans laquelle ils étaient engagés au pas lorsque deux gros chiens qui jouaient ensemble se sont soudain mis à courir vers eux.
Ces deux chiens de grosse taille, débouchant d’un talus en surplomb en courant en direction des chevaux, ont manifestement affolé le cheval du second cavalier, même s’ils ne se sont pas approchés à moins de dix mètres et n’ont montré aucune agressivité.
Selon la Cour de cassation, la chute de la cavalière confirmée et de très bon niveau ne peut s’expliquer que par l’emballement de son propre cheval, soit du fait des chiens, soit du fait du cheval du second cavalier, lui-même affolé par les chiens.
De plus, ces deux gros chiens, non tenus en laisse, sont arrivés en courant d’un talus en surplomb, non visible, ce qui a accentué l’effet de surprise et de peur.
Pour la Cour de cassation, le comportement anormal des chiens est ainsi caractérisé, lesquels sont à l’origine du dommage subi par la cavalière.
Par conséquent, les propriétaires des chiens et leurs assureurs respectifs seront tenus d’indemniser la victime de l’ensemble de ses préjudices.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges