Clarification des règles applicables en cas de licenciement d’un salarié pour inaptitude consécutive à un manquement préalable de l’employeur
Par deux arrêts en date du 3 mai 2018 (Cour de cassation, Chambre Sociale, 3 mai 2018, Pourvoi n°16-26306 ; Cour de cassation, Chambre Sociale, 3 mai 2018, Pourvoi n°17-10306 ), la Chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser les règles d’indemnisation applicables en cas de licenciement d’un salarié, déclaré inapte à son poste à la suite d’un manquement de son employeur à son obligation de sécurité.
Dans la première de ces affaires, un homme avait été engagé, le 18 février 2001, en qualité de couvreur. Le 8 avril 2005, il a été victime d’un accident du travail. Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a dit que l’accident était bien imputable à la faute inexcusable de l’employeur et a fixé les préjudices subis par le salarié. Ce dernier, ayant été licencié, le 23 octobre 2013, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, a saisi le Conseil des Prud’hommes afin de solliciter une indemnité réparant le préjudice subi du fait de la rupture de son contrat de travail. Or, par arrêt en date du 30 septembre 2016, la Cour d’Appel de CAEN a rejeté la demande indemnitaire du salarié, estimant que seul le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et non le Conseil des Prud’hommes était compétent pour connaître de cette demande.
Dans la seconde affaire, une femme avait été engagée, le 13 novembre 2000, en qualité d’agent de maîtrise dans une grande surface. Celle-ci a été victime d’un accident du travail, le 4 août 2010. À la suite de cet accident, le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste avec mention d’un danger immédiat. Licenciée le 6 juin 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, la salariée a alors saisi le Conseil des Prud’hommes. Par arrêt en date du 14 avril 2014, la juridiction de sécurité sociale a rejeté sa demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Les deux salariés se sont alors pourvus en cassation à l’encontre de ces deux décisions.
Dans ses deux arrêts en date du 3 mai 2018 (Cour de cassation, Chambre Sociale, 3 mai 2018, Pourvoi n°16-26306 ; Cour de cassation, Chambre Sociale, 3 mai 2018, Pourvoi n°17-10306), la Chambre sociale de la Cour de cassation est venue rappeler que :
« si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, la juridiction prud’homale est seul compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ».
Surtout, la Cour de cassation précise que :
« est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée ».
Ainsi, sur la base de ces deux arrêts, la Cour de cassation clarifie les règles de compétence entre, d’une part le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et, d’autre part le Conseil de Prud’hommes en matière d’inaptitude professionnelle d’un salarié. Si le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale connaît de l’indemnisation des dommages causés par un accident du Travail, le Conseil des Prud’hommes, quant à lui, doit apprécier le bienfondé ou non de la rupture du contrat de travail du salarié et lui allouer, le cas échéant, une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, la Cour de cassation rappelle que, si un salarié est déclaré inapte à sa profession avec impossibilité de reclassement et que cette inaptitude professionnelle est imputable à un manquement préalable de son employeur, le licenciement du salarié résultant de cette inaptitude sera nécessairement sans cause réelle et sérieuse et ouvrira droit à indemnisation pour ce dernier.