Responsabilité de l’État pour l’utilisation d’un Flash Ball sur un manifestant
Le 27 novembre 2007, au cours d’une manifestation d’étudiants et de lycéens, un jeune homme, âgé de 16 ans au moment des faits, a été grièvement blessé à l’œil droit par une balle provenant du tir d’un policier armé d’un Flash Ball.
Par jugement en date du 28 novembre 2016, le Tribunal Administratif de NANTES, après avoir retenu une faute de l’État dans l’organisation des services de Police et une faute de la victime, exonérant partiellement l’Etat, a condamné ce dernier à verser au jeune manifestant la somme de 48.000 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette blessure.
Par un recours enregistré le 31 janvier 2017, le Ministre de l’Intérieur a interjeté appel de cette décision, estimant qu’aucune faute n’avait été commise dans l’organisation des services de Police.
La victime a formé un appel incident, demandant que son indemnité soit portée à la somme totale de 172.000 euros.
Par arrêt en date du 5 juillet 2018 (Cour Administratives d’Appel de NANTES, 4ème Chambre, 5 juillet 2018, n°17NT00411, Ministre de l’Intérieur c/ Monsieur. Douillard), la Cour Administrative d’Appel de NANTES a rejeté le recours formé par le Ministre de l’Intérieur.
Comme le souligne la Cour Administrative d’Appel de NANTES :
« Dans le cas où le personnel du service de police fait usage d’armes ou d’engins comportant des risques exceptionnels pour les personnes et les biens, la responsabilité de la puissance publique se trouve engagée, en l’absence même d’une faute, lorsque les dommages subis dans de telles circonstances excèdent, par leur gravité, les charges qui doivent être normalement supportées par les particuliers en contrepartie des avantages résultant de l’existence de ce service public. Il n’en est cependant ainsi que pour les dommages subis par des personnes ou des biens étrangers aux opérations de police qui les ont causés. Lorsque les dommages ont été subis par des personnes ou des biens visés par ces opérations, le service de police ne peut être tenu pour responsable que lorsque le dommage est imputable à une faute commise par les agents de ce service dans l’exercice de leurs fonctions. En raison des dangers inhérents à l’usage des armes ou engins comportant des risques exceptionnels pour les personnes et les biens, il n’est pas nécessaire que cette faute présente le caractère d’une faute lourde ».
Or, en l’espèce, après avoir retenu que le Flash Ball était une arme dangereuse, la Cour Administrative d’Appel de NANTES constate qu’une faute a bien été commise par les services de Police lors de la manifestation.
En effet, il apparaît que le policier, auteur du tir, n’avait été formé que pendant une demi-journée, en juin 2017, soit cinq mois avant la manifestation, sur des cibles statiques uniquement et non des cibles en mouvement alors que le Flash Ball était une arme nouvelle au moment des faits, en cours d’évaluation, qu’elle était prévue pour neutraliser des individus déterminés, auteurs de violences, à une distance comprise entre 10 et 50 mètres.
Par ailleurs, le policier, auteur du tir, a fait usage de son arme sans mettre un genou à terre permettant de réduire la hauteur de son tir, à un moment où les manifestants avaient déjà été repoussés hors de l’enceinte du rectorat, où les forces de l’ordre n’étaient plus gravement menacées par les manifestants et où un tir moyen d’un « Flash Ball » classique pouvait suffire à intimider les manifestants.
En outre, l’auteur du tir a déclaré que son supérieur hiérarchique lui avait dit, au cours de la manifestation, à propos d’un manifestant, dont l’agent de police lui-même reconnaît qu’il ne s’agissait pas de la victime, que si ce manifestant continuait à envoyer des projectiles, il faudrait « lui tirer dessus ».
De plus, le tir a eu lieu sur un manifestant très jeune, qui n’était pas l’auteur des jets de projectiles et qui se trouvait à distance réduite.
En conséquence, la Cour Administrative d’Appel de NANTES considère qu’une faute de nature à engager la responsabilité de l’État a bien été commise par les services de Police.
Au surplus, cette faute est bien à l’origine de la grave blessure à l’œil droit de la victime.
Enfin, la Cour d’Administrative d’Appel de NANTES constate que la victime participait et se maintenait, avec d’autres manifestants, à proximité de la brèche que les manifestants avaient pratiquée dans le grillage d’enceinte du rectorat, après avoir été repoussés par les forces de Police à l’extérieur du parc qui entoure le bâtiment du rectorat. Si certains manifestants ont lancé des projectiles contre les forces de l’ordre, il ne résulte de l’instruction ni que la victime en aurait lui-même envoyé ni qu’il aurait, avant le tir, entendu une sommation lui intimant de s’éloigner.
Ainsi, la faute de la victime se borne à s’être maintenu à proximité immédiate des manifestants responsables de jets de projectiles. Compte tenu du caractère minime de la faute ainsi commise, la Cour Administrative d’Appel de NANTES considère qu’elle n’est de nature à exonérer l’Etat de sa responsabilité qu’à hauteur de 10%.
En conséquence, à la suite du tir de Flash Ball par le policier, l’État est condamné à verser à la victime la somme totale de 86.400 euros en réparation de ses différents préjudices subis du fait de sa blessure à l’œil droit.