Un véhicule stationné et à l’arrêt peut être impliqué dans un accident de la circulation
La loi du 5 juillet 1985, aussi connue sous le nom de Loi Badinter, a mis en place un régime spécial pour l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation.
Dans le cadre de ce régime, dérogatoire au droit commun de la responsabilité civile délictuelle, le comportement de l’auteur de l’accident est parfaitement indifférent.
En effet, peu importe que ce dernier ait, ou non, commis une faute de conduite à l’origine de l’accident ; la victime aura droit, par principe et sous réserve des exceptions légales, à l’indemnisation de ses préjudices.
Comme le rappelle l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 :
« Les dispositions du présent chapitre s’appliquent, même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ».
En application de cet article, quatre conditions cumulatives sont nécessaires pour qu’une victime d’un accident de la circulation puisse être indemnisée sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, à savoir :
- La présence d’un véhicule terrestre à moteur ;
- L’existence d’un accident de la circulation ;
- L’implication de ce véhicule terrestre à moteur dans l’accident ;
- L’imputabilité du dommage à l’accident ;
Or, dans le cadre d’un arrêt en date du 14 juin 2018 (Cour de cassation, Civile 2ème, 14 juin 2018, Pourvoi n°17-21401), la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation est venue repréciser la notion d’implication du véhicule terrestre à moteur dans l’accident.
En effet, pour que la loi du 5 juillet 1985 soit applicable, la victime doit notamment rapporter la preuve qu’un véhicule a été « impliqué » dans son accident.
La loi n’exige donc pas une faute du conducteur mais une simple implication d’un véhicule dans l’accident, à l’origine des dommages.
La jurisprudence considère que, lorsque le véhicule est en mouvement au moment de l’accident et qu’il entre en contact avec le siège du dommage, ce véhicule est impliqué dans l’accident.
Lorsqu’il y a uniquement contact, alors que le véhicule n’est pas en mouvement, la jurisprudence retient également que ce véhicule est impliqué dans l’accident.
Enfin, l’absence de contact entre le véhicule et le siège du dommage n’exclut pas l’existence d’un accident de la circulation.
Cependant, en l’absence de contact, il appartient alors à la victime de rapporter la preuve que le véhicule terrestre à moteur (en mouvement ou à l’arrêt) a joué un « rôle quelconque » dans l’accident.
En revanche, la victime n’a pas à démontrer que ce véhicule a eu un rôle perturbateur.
Dans l’arrêt en date du 14 juin 2018 (Cour de cassation, Civile 2ème, 14 juin 2018, Pourvoi n°17-21401), une personne s’était proposée pour apporter son aide bénévole afin de réparer une pièce mécanique du moteur d’une automobile appartenant à un ami.
Alors que la personne avait les mains dans le moteur, elle a été blessée au moment où son ami a démarré par inadvertance le véhicule.
La victime a alors assigné le propriétaire du véhicule ainsi que son assureur de responsabilité civile, la société AXA France IARD en indemnisation de ses préjudices, en présence de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des YVELINES.
Par arrêt en date du 27 avril 2017, la Cour d’Appel de VERSAILLES a refusé de retenir la qualification d’accident de la circulation dès lors que « le véhicule en cause était stationné au domicile [de son propriétaire], qu’il était resté immobile, nonobstant la mise en route de son moteur, que c’était bien la seule faute d’imprudence de son propriétaire qui était à l’origine du dommage subi par [la victime] ».
En effet, selon la Cour d’Appel de VERSAILLES, « n’est pas un accident de la circulation le sinistre qui procède du seul comportement fautif de l’homme et non d’un rôle spontané du véhicule et qu’en l’absence du moindre fait de circulation du véhicule, la loi du 5 juillet 1985 ne pouvait s’appliquer au litige ».
En conséquence, la Cour d’Appel de VERSAILLES a condamné l’assureur de responsabilité civile de l’auteur du dommage à indemniser les préjudices subis par la victime.
Cet assureur de responsabilité civile s’est alors pourvu en cassation à l’encontre de cette décision.
Or, par arrêt en date du 14 juin 2018 (Cour de cassation, Civile 2ème, 14 juin 2018, Pourvoi n°17-21401), la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de VERSAILLES.
Comme le rappelle la Cour de cassation, la victime a été blessée « par le fonctionnement du moteur du véhicule, de sorte que même si celui-ci était stationné et immobile, il était impliqué dans un accident de la circulation ».
Ainsi, selon la Cour de cassation, un véhicule stationné, immobile et en cours de réparation peut parfaitement être impliqué dans un accident de la circulation dès lors que la victime a été blessée par le fonctionnement de celui-ci.
Ce n’est donc pas l’assureur de responsabilité civile du propriétaire du véhicule qui est tenu d’indemniser la victime mais bien l’assurance du véhicule litigieux.