Application du régime légal de l’abordage maritime aux collisions entre jet-skis
Le 8 août 2015, deux amis décident de louer un jet-ski auprès d’une société de location spécialisée.
Au cours de leur sortie en mer, encadrée par un moniteur, l’un des deux conducteurs de jet-ski percute violemment le second.
La victime, atteinte sévèrement au thorax, est alors héliportée au Centre Hospitalier de TOULON où il lui sera diagnostiqué un hémopneumothorax droit de grande abondance, une condensation parenchymateuse multifocale au sein du poumon comprimé, un emphysème sous cutané hémithoracique et hemi-cervical ainsi que des fractures costales droites justifiant une thoratomie, une osthéosynthèse thoracique et 45 jours d’arrêt de travail.
Compte-tenu de son état de santé, la victime est dans l’impossibilité d’exploiter son entreprise pendant cette période, laquelle elle doit être placée en liquidation judiciaire.
À la suite de son accident, la victime a alors assigné, devant le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN, d’une part le loueur de jet-skis ainsi que son assureur garantissant sa responsabilité civile et, d’autre part son ami, auteur de l’accident, ainsi que l’assureur de ce dernier, aux fins de solliciter tout d’abord l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire ayant pour objet d’évaluer ses préjudices et ensuite l’allocation d’une somme provisionnelle de 10.000 euros à valoir sur l’indemnisation définitive de ses préjudices.
Pour ce faire, la victime fonde notamment sa demande provisionnelle sur les dispositions de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil (devenu 1242 alinéa 1er du Code civil), siège de la responsabilité délictuelle du fait des choses.
Cet article instaure en effet une présomption de responsabilité lorsqu’une chose en mouvement entre en contact avec le siège du dommage, ce qui était le cas en l’espèce puisque la victime avait été violemment percutée par le jet-ski conduit par son ami
Dès lors, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil, la victime n’avait pas à rapporter de preuve d’une quelconque faute commise par son ami puisque celle-ci était présumée, ce qui facilitait ainsi son droit à indemnisation.
Toutefois, par ordonnance en date du 29 juin 2016, le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN a partiellement débouté la victime de ses demandes.
S’il a ordonné l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire, le Juge des Référés a, en revanche, rejeté la demande provisionnelle de cette dernière.
En effet, contrairement à ce que soutenait la victime, les collisions en mer entre jet-skis ne relèvent pas du régime de la responsabilité du fait des choses de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil (devenu 1242 alinéa 1er du Code civil) mais du régime légal de l’abordage maritime.
Par conséquent, il convenait de faire application des dispositions des articles L.5131-1 et suivants du Code des Transports, relatifs à la réparation des accidents de navigation.
Contrairement à l’article 1384 alinéa 1er du Code civil (devenu 1242 alinéa 1er du Code civil), les articles L.5131-1 et suivants du Code des Transports, ne prévoient pas de présomption de responsabilité en cas de mouvement de la chose et de contact avec la victime.
Il appartient donc à cette dernière de rapporter la preuve d’une faute commise par l’auteur de l’accident.
Or, dans le cadre de ses écritures de première instance, la victime ne démontrait pas, ni même n’alléguait, une quelconque faute commise par son ami, raison pour laquelle elle a été déboutée de sa demande de provision.
Néanmoins, par déclaration en date du 2 août 2016, la victime a interjeté appel de l’ordonnance de référé, rendue le 29 juin précédent, par le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN.
Aux termes de ses conclusions d’appelante, elle relève désormais, sur le fondement des articles L.5131-1 et suivants du Code des Transports, les différents manquements de conduite commis par son ami, le 8 août 2015, et renouvelle, en conséquence, sa demande provisionnelle d’un montant de 10.000 euros.
C’est ainsi que, par arrêt en date du 21 septembre 2017 (Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, Chambre 01 C, 21 septembre 2017, n° 2017/633, RG n° 16/14368), la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE accueille finalement la demande provisionnelle de la victime.
En effet, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE constate qu’au cours de l’enquête pénale, l’auteur de l’accident a spontanément reconnu sa faute en déclarant notamment que « Je suis entièrement responsable de cet accident, le moniteur avait été strict et nous surveillait constamment. Je souhaite que mon ami se rétablisse au plus vite ».
Par ailleurs, les déclarations du moniteur confirmaient le déroulement des faits, le 8 août 2015, étant précisé que l’ami de la victime était seul titulaire du permis de navigation.
L’accident était donc bien imputable à une manœuvre dangereuse commise par l’ami de la victime dans la conduite de son jet-ski, avec lequel, sans nécessité et sans respect des distances de sécurité, il avait effectué une rotation sur le plan d’eau, à l’origine de l’abordage.
Par conséquent, l’ami de la victime a bien commis une faute au sens des dispositions des articles L.5131-1 et suivants du Code des Transports.
Dès lors, son obligation d’indemnisation au profit de la victime n’est pas sérieusement contestable.
Il sera ainsi tenu de verser à la victime une indemnité provisionnelle, dans l’attente de l’évaluation, par l’Expert Judiciaire, de l’ensemble des préjudices subis celle-ci et de leur indemnisation définitive.