Harcèlement sexuel : un fait unique peut suffire à caractériser l’infraction
Une jeune femme mineure a entamé, en octobre 2012, un stage au sein de l’Inter-Association Parents et Amis des Scouts.
Dès son arrivée au sein de l’association, une relation intime et continue s’est nouée entre elle et son Président.
Engagée le 25 septembre 2003 en qualité d’animatrice, sa relation avec le Président de l’association s’est alors poursuivie.
Toutefois, par lettre en date du 8 juillet 2004, la jeune femme a décidé de démissionner de ses fonctions au cours d’un déplacement professionnel en Italie.
Dès le 2 septembre suivant, la jeune femme décidait de saisir la juridiction prud’homale compétente afin de contester sa démission et de solliciter la requalification de celle-ci en licenciement eu égard aux faits de harcèlement sexuel dont elle précisait avoir été victime de la part du Président de l’Association, sa lettre de démission pouvant laisser penser qu’elle lui aurait été dictée.
L’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (l’AVFT) est alors intervenue volontairement à la procédure.
A l’appui de ses demandes indemnitaires, la jeune femme soutenait notamment que plusieurs fautes, engageant sa responsabilité, auraient été commises par le Président de l’association.
Tout d’abord, constituait selon elle une faute du Président de l’association, le fait d’avoir eu des relations sexuelles avec elle alors qu’elle était encore mineure au début de son stage et qu’elle se trouvait dans une situation de dépendance économique et d’infériorité hiérarchique par rapport à lui.
Ensuite, la jeune femme évoquait des agressions sexuelles dont elle aurait été victime de la part du Président de l’association au cours de ses fonctions
Par ailleurs, elle se prévalait des déclarations de plusieurs jeunes femmes décrivant des attitudes déplacées voire licencieuses du même homme à leur égard.
Enfin, la jeune femme invoquait des faits de harcèlement sexuel dont elle aurait été victime de la part du Président de l’association au cours de ses fonctions.
Cependant, dans son arrêt en date du 29 avril 2015, la Cour d’Appel de METZ a débouté la jeune femme de l’intégralité de ses demandes.
En effet, selon la Cour d’Appel de METZ, il n’était pas rapporté la preuve que des relations sexuelles entre la jeune femme et le Président de l’association seraient effectivement intervenues alors qu’elle était encore mineure. Pour celles intervenues après sa majorité, aucune faute ne pouvait être caractérisée à l’encontre du Président de l’association dès lors que la jeune femme ne démontrait pas l’existence d’une quelconque contrainte de la part de son supérieur hiérarchique.
S’agissant des agressions sexuelles alléguées par la jeune femme, la Cour d’Appel de METZ devait considérer « qu’aucune des pièces produites par Mlle X… ne permet de vérifier la réalité des agissements ainsi reprochés à M. Y… ».
La Cour d’Appel de METZ ajoutait également que « les déclarations de plusieurs jeunes femmes décrivant des attitudes déplacées voire licencieuses de M. Y… à leur égard sont inopérantes puisqu’elles ne concernent pas les faits » dont la jeune femme dit avoir été victime.
Enfin, s’agissant du harcèlement sexuel dont aurait été victime la jeune femme, la Cour d’Appel de METZ précisait qu’un seul fait était établi.
En effet, la jeune femme rapportait le témoignage de deux personnes attestant que le Président de l’association lui avait conseillé, au cours d’un déplacement en Italie et après s’être plainte d’un coup de soleil, de dormir avec lui, « ce qui lui permettrait de lui faire du bien ».
Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts, la Cour d’Appel de METZ devait considérer que le seul fait établi de façon certaine à l’encontre du Président de l’association était isolé et qu’il ne pouvait « constituer un harcèlement qui suppose la répétition d’agissements », ni un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur.
Ainsi, selon la Cour d’Appel de METZ, pour qu’une situation de harcèlement sexuel puisse être caractérisée et ouvrir droit à indemnisation, il était nécessaire que le ou la salariée rapporte la preuve d’une répétition d’actes ou d’agissements de son supérieur hiérarchique.
Déboutée de l’intégralité de ses demandes, la salariée s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Or, dans son arrêt en date du 17 mai 2017 (Cour de cassation, Chambre sociale, 17 mai 2017, Pourvoi n°15-19300), la Chambre sociale de la Cour de cassation a infirmé purement et simplement l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de METZ.
En effet, comme le rappelle l’article L.1153-1 du Code du travail :
« Aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».
Par ailleurs, l’article L.1154-1 dispose que :
« Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».
En application de l’alinéa 2 de l’article L.1153-1 précité, la Cour de cassation affirme « qu’un fait unique peut suffire à caractériser le harcèlement sexuel ».
Or, comme le rappelle également la Cour de cassation, la Cour d’Appel de METZ « avait constaté que le Président de l’association avait « conseillé » à la salariée qui se plaignait de coups de soleil de « dormir avec lui dans sa chambre », « ce qui lui permettrait de lui faire du bien », ce dont il résultait que la salariée établissait un fait qui permettait de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel ».
Dès lors, selon la Cour de cassation, il n’est pas nécessaire, pour le salarié, de rapporter la preuve de plusieurs agissements pour qu’une situation de harcèlement sexuel puisse être caractérisée à son égard.
Un fait unique commis par le supérieur hiérarchique suffit à caractériser une situation harcèlement sexuel ouvrait droit à indemnisation.
L’exigence d’un fait unique devrait ainsi permettre de simplifier la charge de la preuve pour les salariés et faciliter la reconnaissance de ce type de comportements.