Accident de la circulation : Absence d’indemnisation du conducteur en cas de coup de volant du passager
Le 7 février 2009, une conductrice a été victime d’un accident de la route lui occasionnant des blessures ainsi qu’à son passager.
Après enquête, il apparaît que ce passager, en état d’ivresse au moment de l’accident, avait brusquement et volontairement saisi, puis tourné le volant, provoquant la sortie de route du véhicule.
Le passager, en présence de sa Caisse Primaire d’Assurance Maladie, a assigné en justice la conductrice et son assureur afin d’être indemnisé de l’intégralité de ses préjudices.
Ces derniers ont alors opposé au passager qu’en saisissant et en tournant le volant, il avait, de fait, acquis la qualité de conducteur du véhicule et qu’il était, dès lors, tenu de les indemniser de leurs préjudices.
Dans son arrêt en date du 10 juin 2015, la Cour d’Appel de RENNES a fait droit à cette argumentation.
En effet, comme le souligne la Cour d’Appel de RENNES, le passager avait, après l’accident, confirmé à un policier du commissariat de SAINT-MALO qu’il avait bien, lui-même, tourné le volant du véhicule, tout en étant en état d’ivresse lors de l’accident.
Par ailleurs, le passager ne démontrait pas qu’au moment de l’accident, la route était verglacée, les pompiers intervenus sur les lieux n’en ayant pas fait mention dans leur rapport, pas plus que la conductrice ait perdu le contrôle du véhicule avant l’accident.
Selon la Cour d’Appel, en saisissant brusquement et volontairement le volant, le passager avait, au moment du l’accident, la maîtrise du véhicule et donc la qualité de conducteur l’obligeant à indemniser la « conductrice » victime.
Le passager du véhicule s’est alors pourvu en cassation à l’encontre de cette décision.
C’est dans ce contexte que, par un arrêt en date du 23 mars 2017 (Cour de cassation, Civile 2ème, 23 mars 2017, Pourvoi n°15-25585), la Cour de cassation a infirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de RENNES au visa des articles 3 et 4 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985.
Comme le rappelle l’article 3 de la loi précitée :
« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident.
Les victimes désignées à l’alinéa précédent, lorsqu’elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l’accident, d’un titre leur reconnaissant un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80 p. 100, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis.
Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n’est pas indemnisée par l’auteur de l’accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu’elle a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi ».
Par ailleurs, comme le précise l’article 4 de ladite loi :
« La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis ».
Selon la Cour de cassation, « le seul fait que le [passager] ait manœuvré le volant n’établissait pas qu’il se soit substitué [au conducteur] dans la conduite du véhicule et ait acquis la qualité de conducteur ».
Ainsi, selon la Haute Juridiction, en saisissant puis en tournant volontairement le volant en état d’ivresse, le passager n’avait pas acquis la qualité de conducteur du véhicule.
En effet, dès lors qu’elle était aux commandes du véhicule et qu’elle avait notamment accès à la pédale de frein ainsi qu’au frein à main, la conductrice en avait conservé la maîtrise et la direction.
Il appartenait à la conductrice de maîtriser son véhicule, peu importe le comportement de son passager.
Dès lors, la conductrice sera tenue d’indemniser son passager quand bien même ce dernier est seul à l’origine de l’accident les ayant blessés tous les deux.