Accident d’une jeune fille mineure au cours d’une soirée organisée par une amie
Le 3 juillet 2009, une jeune fille, âgée de 14 ans au moment des faits, s’est rendue à une soirée d’anniversaire, organisée par l’une de ses amies, au domicile de ses parents.
Au cours de la soirée, elle a été victime d’une blessure au niveau du périnée, dont la cause est demeurée indéterminée, alors qu’elle se trouvait seule dans les toilettes de la maison.
Les pompiers, appelés sur les lieux, ont constaté que la jeune fille était en état d’ébriété.
Ne s’étant plainte d’aucune douleur, sa grand-mère est venue la chercher sur les lieux de l’accident et l’a ramenée à son domicile contre décharge remise aux pompiers.
Le lendemain, la jeune fille s’est plainte, auprès de sa mère médecin, de douleurs au bas-ventre.
Cette dernière l’a examiné et a constaté une importante plaie au niveau du périnée et l’a conduite à l’hôpital où elle a fait l’objet d’un examen sous anesthésie générale puis d’une colostomie.
Les parents de la jeune fille ont alors déposé plainte pour viol et agression sexuelle, le 4 juillet 2009.
Toutefois, après enquête, cette plainte a été classée sans suite, par le parquet, le 20 juin 2011.
Le 4 mars 2013, les parents de la jeune fille victime ont alors assigné, devant le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, les parents de la jeune fille, ayant organisé la soirée d’anniversaire, afin de rechercher leur responsabilité civile et d’être indemnisés de leurs différents préjudices, pour défaut de surveillance.
Néanmoins, par jugement en date du 15 septembre 2014, le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX les a déboutés de l’intégralité de leurs demandes aux motifs que les circonstances de l’accident n’étaient pas établies, pas plus qu’un éventuel lien de causalité entre le défaut de surveillance allégué et le préjudice de la jeune fille.
Par déclaration en date du 23 octobre 2014, les parents de la victime ont interjeté appel de cette décision.
Or, par arrêt en date du 14 novembre 2016 (Cour d’Appel de BORDEAUX, Chambre civile, Section A, 14 novembre 2016, N°14/06098), la Cour d’Appel de BORDEAUX a infirmé le jugement attaqué en considérant que les parents de la jeune fille, ayant organisé la soirée, étaient responsables à hauteur d’un tiers du préjudice subi par la victime.
Sur la responsabilité civile des parents pour défaut de surveillance d’une soirée organisée par leur fille mineure à leur domicile :
Sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du Code civil, la Cour d’Appel de BORDEAUX a retenu la responsabilité civile des parents de la jeune fille ayant organisé la soirée en raison de l’accident dont a été victime son amie, au sein de leur domicile.
En effet, la Cour d’Appel de BORDEAUX considère que les parents sont responsables d’un défaut de surveillance.
Comme le rappelle la Cour d’Appel de BORDEAUX, « il est de la responsabilité des parents (en l’espèce mère et mari de la mère), dès lors qu’ils organisent une soirée pour les 14 ans d’une adolescente, ce qui constitue, quel que puisse être le niveau de revendication des adolescents à cet égard, un jeune âge, d’assurer, fût-ce de façon discrète, une surveillance sur le bon déroulement de la soirée, et notamment sur la présence d’alcool introduit subrepticement par les invités, même s’ils sont supposés ne pas en introduire ».
Or, en l’espèce, il apparaît que les parents de l’organisatrice se sont, à la demande de leur fille, volontairement absentés de la maison entre 20h30 et 22h45, laissant sans surveillance les adolescents.
Par ailleurs, à leur retour, afin de ne pas déranger, les parents sont directement montés dans leur chambre, sans s’assurer au préalable que tout se passait bien, que l’usage de la piscine ne générait aucun danger et que de l’alcool ne circulait pas.
Selon la Cour d’Appel de BORDEAUX, ces précautions s’imposaient d’autant plus que, si leur fille fêtait effectivement ses 14 ans, d’autres jeunes, âgés de 17 ans, étaient également présents lors de cette soirée.
Or, il ressort des différents témoignages des personnes présentes que, dès le début de la soirée, de l’alcool avait été introduit pas les convives et que la victime s’en était largement servi, les pompiers ayant pu confirmer son alcoolisation massive.
L’accident dont elle a été victime s’est produit concomitamment ou peu de temps après le retour des parents à la maison.
Si ces derniers n’étaient pas montés directement dans leur chambre, ils auraient ainsi pu constater l’alcoolisation massive de la victime et appeler ses parents pour qu’ils viennent la chercher.
Du fait de leur défaut de surveillance, la victime a donc pu s’alcooliser massivement et s’enfermer dans les toilettes de la maison où elle s’est blessée en chutant et en s’empalant sur le support de la balayette des toilettes qui était, selon les constatations opérées sur place, acéré et coupant.
Dès lors, selon la Cour d’Appel de BORDEAUX, ce défaut de surveillance constitue une faute en lien de causalité, même partiel, avec l’accident dont la jeune fille a été victime.
Par conséquent, les parents de l’organisatrice ont engagé leur responsabilité civile et sont tenus d’indemniser la victime, ainsi que ses parents, pour les différents préjudices subis.
Sur le partage de responsabilité entre la victime et les parents de l’organistratice :
Toutefois, dans le même temps, la Cour d’Appel de BORDEAUX relève que la jeune fille blessée a une part de responsabilité non négligeable dans l’accident dont elle a été victime.
En effet, en faisant le choix de s’alcooliser massivement, sans manger, elle a commis une faute.
Cette faute est, selon la Cour d’Appel de BORDEAUX, partiellement exonératoire de responsabilité pour les parents de l’organisatrice de la soirée.
Par ailleurs, comme le souligne la Cour d’Appel de BORDEAUX, la part de responsabilité de la victime, dans son accident, est « majeure ».
C’est pourquoi, la juridiction opère un partage de responsabilité entre, d’une part la victime et, d’autre part les parents de l’organisatrice de la soirée.
Alors que les parents de l’organisatrice seront tenus d’indemniser la victime à hauteur d’un tiers de ses préjudices, les deux tiers restants resteront à la charge de la jeune fille blessée.
La victime a ainsi été indemnisée à hauteur de 2.500 euros au titre des souffrances endurées du fait des examens et de l’opération subis et de 1.000 euros au titre de son préjudice moral.
Quant à ses parents, ils se sont vus allouer la somme de 800 euros chacun pour l’inquiétude qu’ils ont ressentie à la suite de cet accident.