Indemnisation des préjudices subis par une société dont le gérant a été victime d’un accident de la circulation

Indemnisation des préjudices subis par une société dont le gérant a été victime d’un accident de la circulation
Publié le 30/01/17

Le gérant d’une société, spécialisée dans la fabrication, l’achat, la vente et le commerce de techniques et produits d’isolation thermique et acoustique, employant cinq salariés, a été victime d’un accident de la circulation l’empêchant de poursuivre son activité professionnelle.

La société a alors fait assigner, en référé, la conductrice et son assureur afin d’obtenir le versement d’une indemnité provisionnelle correspondant aux frais engagés pour la mise en sommeil de l’entreprise.

Une fois l’état de santé du gérant consolidé, la société a, de nouveau, fait assigner la conductrice et son assureur, afin d’obtenir, cette fois, la liquidation définitive de ses préjudices.

Cependant, dans un arrêt en date du 10 mars 2015, la Cour d’Appel de PARIS a refusé d’indemniser, à la fois les frais engagés pour la mise en sommeil de l’entreprise et la perte de valeur de la société.

Selon la Cour d’Appel de PARIS, la décision de mise en sommeil de la société procédait « de la seule décision du dirigeant de l’entreprise » et n’était donc pas imputable à l’accident.

Par ailleurs, l’entreprise ne pouvait prétendre être indemnisée à la fois des dépenses exposées dans le but de reprendre son activité et de sa perte de valeur économique.

Estimant que cette décision était mal fondée, la société s’est pouvue en cassation.

Or, dans son arrêt en date du 17 novembre 2016 (Cour de cassation, Civile 2ème, 17 novembre 2016, Pourvoi n°15-24271), la Cour de cassation est venue infirmer l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de PARIS.

En effet, la Cour de cassation rappelle que :

« du fait de l’accident, M. X… ne pouvait poursuivre son activité au sein de la société et que sa décision de mettre celle-ci en sommeil en était la conséquence, faisant ainsi apparaître que les dépenses rendues nécessaires constituaient un préjudice en lien de causalité avec l’accident qui ne se confondait pas avec la perte de valeur de la société ».

Ainsi, selon la Haute Juridiction de l’ordre judiciaire, tant les victimes directes que les victimes indirectes d’un accident de la circulation ont droit à la réparation intégrale de leurs préjudices dès lors que ces derniers sont en lien de causalité direct et certain avec cet accident.

 L’indemnisation des victimes indirectes d’un accident de la circulation

Comme cela a été rappelé précédemment, la victime était, au moment de son accident de la circulation, gérant d’une société, exerçant son activité dans le domaine du bâtiment et employant cinq salariés.

Outre sa qualité de dirigeant, la victime exerçait également, au sein de sa société, les fonctions de poseur et de commercial.

La victime jouait donc un rôle déterminant pour la bonne santé économique de son entreprise.

Or, son accident l’a empêché d’exercer l’ensemble de ses fonctions et a compromis le bon équilibre économique de l’entreprise, justifiant ainsi sa mise en sommeil.

C’est pourquoi, indépendamment de l’action menée par la victime elle-même, l’entreprise a décidé d’agir en justice afin de solliciter la réparation de ses préjudices.

Conformément au principe de la réparation intégrale, l’auteur ou le responsable d’un accident est tenu d’indemniser, non seulement la victime directe mais également toutes les victimes indirectes, aussi appelées victimes par ricochet, qui ont souffert de cet accident.

Il peut s’agir aussi bien d’un préjudice économique que d’un préjudice moral (Ex. : pertes de revenus consécutifs à la nécessité d’assister la victime, frais d’adaptation du logement…).

Par ailleurs, les victimes indirectes peuvent être aussi bien des personnes physiques, comme les proches de la victime, que des personnes morales, comme les sociétés exploitées par les victimes.

S’agissant plus précisément des entreprises, leurs préjudices ne doivent bien évidemment pas se confondre avec ceux subis par leurs dirigeants.

En effet, il s’agit, juridiquement, de deux personnes distinctes.

L’indemnisation des dirigeants, au titre de leurs pertes de revenus ou des pertes de droits à la retraite, n’exclut, en aucun cas, une indemnisation de leurs sociétés, au titre de leurs pertes d’activité ou des éventuels frais supplémentaires engagés.

Par conséquent, en vertu du principe de la réparation intégrale, les préjudices du dirigeant et de sa société se cumulent, à condition toutefois que les indemnités versées ne fassent pas doublon.

Or, dans l’arrêt commenté du 17 novembre 2016, la société, gérée par la victime, avait effectivement subi des préjudices, distincts de ceux subis par la victime directe.

Elle était donc recevable et bien fondée à en solliciter réparation.

La réparation intégrale des préjudices subis par la victime indirecte

L’arrêt du 17 novembre 2016 de la Cour de cassation a été rendu au visa suivant :

« Vu les articles 6 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, devenu 1240 du Code Civil, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ».

Par ce visa, la Cour de cassation rappelle que, tant les victimes directes que les victimes indirectes ont droit à la réparation intégrale de leurs préjudices dès lors que ceux-ci sont directement et strictement imputables à l’accident.

Il appartient donc aux victimes indirectes de rapporter la preuve, non seulement de l’existence mais aussi de l’étendue de leurs différents préjudices.

Ceux-ci ne pourront être écartés qu’en cas de doublon.

Or, dans son arrêt en date du 10 mars 2015, la Cour d’appel de PARIS avait refusé d’indemniser la société de bâtiment au titre des frais engagés par la mise en sommeil de l’entreprise et au titre de la perte de valeur économique de celle-ci.

La Cour d’appel avait en effet estimé que la mise en sommeil n’était pas imputable à l’accident mais résultait d’une décision du dirigeant.

Par ailleurs, toujours selon la Cour d’Appel, ces deux indemnités faisaient doublon.

Néanmoins, dans son arrêt en date du 17 novembre 2016, la Cour de cassation a considéré que la décision de mise en sommeil de la société était bien la conséquence de l’accident de la circulation dont a été victime son dirigeant et qu’au surplus les dépenses de mise en sommeil ne pouvaient pas se confondre avec la perte de valeur vénale de la société.

Par conséquent, la société avait droit à la réparation, de ces deux postes de préjudice.

Cette double indemnisation ne faisait, en aucun cas, doublon et était le seul moyen d’assurer la réparation intégrale des préjudices subis par la victime indirecte de l’accident de la circulation. 

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