Responsabilité des établissements de santé en cas de chute d’un patient
Dans deux arrêts rendus, les 10 novembre 2015 et 8 janvier 2016, les Cours d’Appel de LYON et de PARIS ont condamné des établissements de santé en raison des chutes dont ont été victimes leurs patients, au cours de leur prise en charge médicale, à la suite d’un défaut de surveillance ou de précaution du personnel soignant.
Dans le premier arrêt (Cour d’Appel de LYON, 1ère Chambre Civile B, 10 novembre 2015, RG n°15/00685), une patiente s’est rendue au sein d’un centre d’imagerie afin d’y effectuer une mammographie de contrôle. Au cours de l’examen, la patiente a indiqué au personnel soignant qu’elle se sentait mal et l’opératrice l’a alors fait asseoir sur une chaise. Laissée seule pendant plusieurs minutes, la patiente a été victime d’un malaise et d’une chute à l’origine de plusieurs fractures au niveau de la tête.
Dans le second arrêt (Cour d’Appel de PARIS, Pôle 2, Chambre 2, 8 janvier 2016, RG n°14/10817, n°2015-354), une patiente, opérée d’une colostomie, a été admise au sein d’un centre de convalescence. Au cours d’une de ses nuits d’hospitalisation, la patiente est tombée de son lit, se blessant la tête sur un radiateur à l’origine d’une fracture du rocher avec un hématome sous-dural.
Souhaitant être indemnisées de leurs préjudices respectifs, les patientes ont alors assigné en justice les établissements de santé (le centre d’imagerie médicale et le centre de convalescence) afin de voir engagée leur responsabilité.
L’obligation de sécurité de moyens à la charge des établissements de soins
L’article L.1142-1 du Code de la Santé Publique et le contrat de soins découlant d’une hospitalisation créent, à la charge des professionnels et des établissements de santé, une obligation de sécurité envers leurs patients.
Comme le rappellent les Cours d’Appel de LYON et de PARIS, cette obligation de sécurité n’est que de « moyens » et non de « résultat ».
En effet, sauf exception, la responsabilité des professionnels et des établissements de santé n’est pas encourue de plein droit ; il appartient donc aux patients de rapporter la preuve qu’une faute a été commise, par le personnel soignant, au cours de leur prise en charge médicale.
Cette preuve peut être rapportée par tous moyens.
Il appartenait donc aux deux patientes de démontrer que leurs chutes respectives étaient imputables à une faute commise, d’une part par le centre d’imagerie et, d’autre part par le centre de convalescence.
Le manquement des établissements de soins à leur obligation de vigilance
En l’espèce, les Cours d’Appel de LYON et de PARIS ont considéré qu’une faute avait été commise lors de la prise en charge médicale des deux patientes.
S’agissant du premier arrêt, la Cour d’Appel de LYON a retenu que « l’absence de toute surveillance par la manipulatrice en radiologie durant environ trois minutes constitue une faute et un manquement à l’obligation de sécurité à laquelle était tenu le Centre Lyonnais d’Imagerie Féminine ; que cette faute est en lien de causalité avec les blessures subies par Mme X… ; qu’en conséquence, par réformation du jugement entrepris, le centre Lyonnais d’imagerie féminine doit être déclaré responsable du préjudice et condamné avec son assureur à indemniser celui-ci ».
En effet, la patiente ayant expressément indiqué au personnel soignant qu’elle se sentait mal, l’opératrice en radiologie était donc tenue à une « obligation de vigilance particulière » et d’assurer une « surveillance continue » de cette patiente afin de prévenir tout malaise.
Or, l’ayant laissée seule pendant plusieurs minutes, elle a commis une faute rendant possible la chute de la patiente et engageant la responsabilité du centre d’imagerie médicale, lequel est tenu d’indemniser l’ensemble des préjudices subis.
S’agissant du second arrêt, la Cour d’Appel de PARIS a considéré que le centre de convalescence avait également manqué à son obligation de précaution.
En effet, n’ayant pas laissé en place, au cours de la nuit, des barrières de sécurité autour du lit, alors que cela était le cas auparavant en raison d’une première chute de la patiente, le centre de convalescence a commis une faute.
Par conséquent, tout comme le centre d’imagerie médicale, le centre de convalescence a été condamné à indemniser l’ensemble des préjudices de la patiente résultant de son traumatisme crânien en raison du manquement à son obligation de sécurité.
Cette obligation de sécurité ne se limite donc pas aux seuls actes médicaux et chirurgicaux réalisés par le personnel soignant.
Elle s’étend à tous les stades de la prise en charge médicale du patient.
Ainsi, en cas de manquement du professionnel ou de l’établissement de santé, le patient sera bien fondé à solliciter l’indemnisation de ses préjudices.
Cet article a été rédigé par Me Geoffrey Tondu, avocat à Bourges.