Accident médical non fautif indemnisable par l’ONIAM : absence de déductibilité de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie au-delà de la période pour laquelle elle a été attribuée à la victime

Le 12 septembre 2016, après avoir été opérée d’une cataracte d’un œil, une patiente, non voyante de l’autre œil, a, en dépit des soins qui lui étaient pratiquées, perdu l’acuité visuelle de l’œil opéré.
La patiente a alors saisi une Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux (CCI), laquelle a estimé qu’elle avait été victime d’un accident médical non fautif indemnisable par la solidarité nationale.
Sur la base de l’avis rendu par la CCI, l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (l’ONIAM) a adressé à la patiente une offre d’indemnisation provisoire.
Cette dernière l’a toutefois refusée et, le 1er août 2019, a assigné l’ONIAM en indemnisation de ses préjudices.
Un jugement en date du 18 décembre 2020 a reconnu le droit à indemnisation de la patiente par la solidarité nationale au titre de l’accident médical subi.
Un appel a été interjeté.
Par arrêt en date du 28 juin 2023, la Cour d’Appel de RIOM a notamment alloué à la patiente une certaine somme au titre de l’assistance par une tierce personne permanente en refusant de déduire, sur la période à échoir de cette indemnité, l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (l’APA) perçue par la victime.
L’ONIAM s’est pourvu en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi, il soutient que le montant de l’APA doit être déduit de l’indemnisation due par l’ONIAM à la victime d’un accident médical non fautif, au titre de l’assistance par une tierce personne à titre permanent, pour la période échue comme pour la période à échoir.
En refusant de déduire l’APA de la période à échoir, la Cour d’Appel de RIOM aurait violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.
Cependant, par arrêt en date du 29 janvier 2025 (Cour de cassation, Civile 1ère, 29 janvier 2025, Pourvoi n°23-21419), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formulé par l’ONIAM et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de RIOM.
Comme le rappelle la Cour de cassation, selon l’article L.1142-17 du Code de la Santé Publique, doivent être déduites de l’indemnisation mise à la charge de l’ONIAM au titre de la solidarité nationale les prestations énumérées à l’article 29 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 ainsi que les indemnités de toute nature, reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice.
L’APA, régie par les articles L.232-1 et suivants du Code de l’Action Sociale et des Familles, allouée sans conditions de ressources par le département à toute personne attestant d’une résidence stable et régulière et remplissant les conditions d’âge et de perte d’autonomie, n’ouvrant pas droit à un recours subrogatoire et dont le montant peut être révisé à tout moment en cas de modification de la situation du handicap du bénéficiaire, a le caractère d’une prestation indemnitaire (Cour de cassation, Civile 1ère, 24 octobre 2019, Pourvoi n°18-21339).
Selon la Cour de cassation, le respect du principe de la réparation intégrale impliquerait, en conséquence, que tant l’APA déjà perçue que celle à percevoir soient déduites des sommes allouées à la victime au titre de l’assistance par une tierce personne.
Cependant, la déduction par le juge de l’APA au-delà de la date à laquelle elle a été allouée se heurte à des difficultés de mise en œuvre.
En premier lieu, l’APA n’a aucun caractère obligatoire pour la victime qui n’est pas tenue d’en demander le renouvellement.
En deuxième lieu, les juges du fond apprécient si la réparation du préjudice de la victime doit prendre la forme d’un capital ou d’une rente.
En troisième lieu, la victime ne doit pas se trouver pour l’avenir contrainte de produire régulièrement des justificatifs relatifs à la perception ou non d’une prestation et, le cas échéant, à son montant.
La Cour de cassation a ainsi jugé que le versement d’une rente au titre de l’assistance par une tierce personne ne peut être subordonnée à la production annuelle, par la victime, d’une attestation justifiant qu’elle ne perçoit pas la prestation de compensation du handicap (Cour de cassation, Civile 2ème, 21 septembre 2023, Pourvoi n°21-25187 ; Cour de cassation, Civile 1ère, 4 septembre 2024, Pourvoi n°23-11723).
C’est dès lors à bon droit qu’après avoir déduit du montant du capital alloué au titre de l’assistance par une tierce personne celui de l’APA déjà accordée, la Cour d’Appel de RIOM a retenu que cette prestation ne pouvait pas être déduite au-delà de la période pour laquelle elle a été attribuée à la patiente et qui a pris fin le 30 octobre 2023.