Accident du travail et violation du principe du contradictoire : la Caisse est tenue de communiquer à la victime l’argumentaire qu’elle adresse à l’Expert avant le dépôt du rapport
Le 11 mai 2011, un salarié a été victime d’un accident, dont le caractère professionnel a été reconnu par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Val-d’Oise.
La victime ayant contesté la décision de la Caisse fixant, au 31 juillet 2013, la date de consolidation des lésions imputables à cet accident, la procédure d’expertise médicale technique a été mise en œuvre et l’Expert désigné a conclu à une consolidation à la même date.
Après rejet de son recours amiable, le salarié victime a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale et obtenu l’organisation de deux expertises, successivement annulées pour non-respect du contradictoire, puis la désignation d’un troisième expert, qui a conclu à une consolidation à la même date.
Par arrêt en date du 17 février 2022, la Cour d’Appel de VERSAILLES a entériné les conclusions du rapport d’expertise et rejeté le recours de la victime.
Pour ce faire, la Cour d’Appel de VERSAILLES a considéré que l’argumentaire médical de la Caisse, adressé à l’Expert uniquement, tenu au secret médical, ne devait pas être communiqué aux parties, avant le dépôt du rapport.
Dans la mesure où la victime avait été en mesure de débattre postérieurement du contenu du rapport d’expertise, aucune atteinte au principe du contradictoire n’était caractérisée.
Le salarié victime s’est alors pourvu en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi et sur le fondement de l’article 16 du Code de Procédure Civile, la victime soutenait que l’argumentaire médical, remis par la Caisse à l’Expert dans le cadre de l’expertise technique ordonnée sur le fondement de l’article R.142-24-1 du Code de la Sécurité Sociale, devait être communiqué à l’assuré social, avant l’expertise et en respectant un délai suffisant, pour qu’au jour de la réunion il puisse utilement discuter cet argumentaire.
De plus, le secret médical ne pouvait être opposé à l’assuré social.
Or, par arrêt en date du 25 avril 2024 (Cour de cassation, Civile 2ème, 25 avril 2024, Pourvoi n°22-15843), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par la victime et censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de VERSAILLES au visa des articles 16 alinéa 1er, 175 et 114 du Code de Procédure Civile.
Aux termes du premier de ces textes, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
En application du deuxième, les irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise sont sanctionnées selon les règles régissant les nullités des actes de procédure.
Selon le troisième, un acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
Selon la Cour de cassation, il résulte de l’application combinée de ces textes que l’absence de communication à une partie de l’argumentaire adressé par une autre partie à l’Expert, qui en a tenu compte dans son rapport, constitue l’inobservation d’une formalité substantielle, sanctionnée par une nullité pour vice de forme, qui peut être prononcée à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité.
Or, en l’espèce, la victime, qui invoquait l’existence d’un grief résultant de cette irrégularité, n’avait pas eu connaissance, avant le dépôt du rapport d’expertise, de l’argumentaire de la Caisse adressé à l’Expert, lequel en avait tenu compte pour rendre son avis.
Par conséquent, le principe du contradictoire a été violé ; la Caisse était tenue de communiquer, à la victime, l’argumentaire qu’elle a transmis à l’Expert.