Absence de faute de la victime qui a des relations sexuelles non protégées avec une personne dissimulant volontairement sa séropositivité
Une femme a entretenu une relation amoureuse avec un homme et a eu des rapports non protégés avec ce dernier.
Au cours d’une hospitalisation du 26 au 29 novembre 2007, elle a été testée positive au virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
Estimant que son partenaire, qui était informé de sa séropositivité et lui avait volontairement dissimulé, était responsable de sa contamination, elle a porté plainte contre lui en 2011.
Un Tribunal Correctionnel, devant lequel son partenaire avait été renvoyé du chef d’administration de substance nuisible à la santé, a constaté la prescription de l’action publique.
La victime a alors assigné son partenaire devant un Tribunal de Grande Instance, en présence de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, afin de solliciter l’indemnisation de son préjudice.
Par arrêt en date du 21 janvier 2021, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a retenu la responsabilité du partenaire.
Cependant, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a estimé que la victime avait commis une faute d’imprudence, réduisant son droit à indemnisation de 20% dès lors qu’elle avait eu des relations sexuelles non protégées avec son partenaire, qu’elle ne connaissait que depuis quelques jours et dont elle ignorait la sérologie.
Selon la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE, la victime s’est exposée à la possibilité d’une contamination alors que les recommandations de lutte contre le SIDA, établies en 2006, prônaient l’usage du préservatif pour se protéger du VIH et des autres maladies sexuellement transmissibles.
La victime s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi, elle rappelle que le fait de la victime n’emporte exonération partielle du responsable que s’il est fautif.
Or, n’est pas fautif, en raison du droit fondamental qu’à toute personne d’entretenir librement des relations sexuelles, tant qu’elle ne porte pas atteinte aux droits de son partenaire, le fait de consentir à des rapports sexuels sans requérir l’usage d’un préservatif, même à l’occasion d’une relation nouvelle, lorsque le partenaire a sciemment passé sous silence sa séropositivité au VIH.
Par arrêt en date du 14 mars 2024 (Cour de cassation, Civile 2ème, 14 mars 2024, Pourvoi n°22-10324), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par la victime et censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE et ce, au visa de l’article 1383, devenu 1241 du Code Civil.
Comme le rappelle la Cour de cassation, chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Selon la Cour de cassation, « le fait pour une personne d’avoir des relations sexuelles non protégées, en méconnaissance des recommandations des autorités sanitaires, avec un partenaire qui lui a dissimulé sa séropositivité, ne constitue pas, à lui seul, une faute ».
La victime ne verra donc pas son droit à indemnisation réduit ; elle sera indemnisée intégralement de l’ensemble de ses préjudices.