Infections nosocomiales : nécessité de se prononcer sur la finalité de l’acte médical pour déterminer le débiteur de l’indemnisation
Les 24 février et 24 octobre 2012, une patiente a subi successivement une lipoaspiration et une abdominoplastie, réalisées par un chirurgien libéral, exerçant au sein d’une clinique.
A la suite de la survenue d’une infection, deux reprises chirurgicales ont été pratiquées ; la première le 2 novembre 2012 par le même chirurgien, la seconde le 15 novembre 2012 par un autre chirurgien.
Le 16 novembre 2012, la patiente est décédée d’une embolie pulmonaire.
Les proches de la victime ont alors assigné en responsabilité et indemnisation la clinique ainsi que les deux praticiens.
Par arrêt en date du 16 décembre 2021, la Cour d’Appel de NIMES a condamné in solidum les deux chirurgiens à réparer les préjudices subis à la suite du décès de la patiente et ce, à hauteur de 80%, en raison des négligences commises dans le cadre de sa prise en charge.
Concernant les 20% restant, la Cour d’Appel de NIMES a déclaré irrecevables les demandes formées par les proches contre la clinique.
Pour ce faire, l’arrêt énonce que « le législateur a instauré un régime d’indemnisation spécifique des dommages les plus graves découlant des infections nosocomiales dont la réparation incombe exclusivement à l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM) en application de l’article L.1142-1-1 1° du Code de la Santé Publique et dont les dispositions s’imposent aux victimes ».
Selon la Cour d’Appel de NIMES, les 20% restant devaient être indemnisés par l’ONIAM, lequel n’était pas partie à la procédure.
Les proches de la victime se sont alors pourvus en cassation à l’encontre de cette décision.
Or, par arrêt en date du 14 juin 2023 (Cour de cassation, Civile 1ère, 14 juin 2023, Pourvoi n°22-18400), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par les victimes et censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de NIMES et ce, au visa des articles L.1142-1, I, alinéa 2, L.1142-1-1 1° et L.1142-3-1 du Code de la Santé Publique.
Comme le rappelle la Cour de cassation, selon le premier de ces textes, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.
Selon le deuxième, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale les dommages résultant d’infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l’article L.1142-1 correspondant à un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à 25% déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales.
Enfin, selon le dernier, le dispositif de réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale mentionné au II de l’article L.1142-1 et aux articles L.1142-1-1 et L.1142-15 du Code de la Santé Publique n’est pas applicable aux demandes d’indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité contraceptive, abortive, préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi.
Il résulte de la combinaison de ces textes qu’il appartient aux juges du fond de se prononcer sur la finalité thérapeutique, reconstructrice ou esthétique d’une intervention, à l’origine d’une infection nosocomiale, lorsqu’ils déterminent le régime d’indemnisation ou de responsabilité applicable.
En effet, dans l’hypothèse où une intervention chirurgicale a uniquement une finalité esthétique, l’ONIAM ne saurait être tenu d’indemniser la victime au titre de la solidarité nationale ; seul l’établissement de soins pourrait l’être.
Or, en l’espèce la Cour d’Appel de NIMES ne s’était pas prononcée sur la finalité thérapeutique, reconstructrice ou esthétique de la lipoaspiration et de l’abdominoplastie réalisées les 24 février et 24 octobre 2012, ce qui n’a pas permis à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur le régime d’indemnisation ou de responsabilité applicable.
Par conséquent, la Cour de cassation censure l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de NIMES afin que celle-ci précise si les opérations réalisées les 24 février et 24 octobre 2012 étaient à finalité esthétique, thérapeutique ou reconstructrice.