Un assureur automobile ne peut pas exercer de recours subrogatoire contre le passager du véhicule qu’il garantit
Le 28 avril 2016, alors qu’il dépassait par la droite un véhicule automobile assuré auprès de la société PACIFICA, le conducteur d’une motocyclette a heurté un feu tricolore et est décédé des suites de ses blessures.
Le père, la mère, l’épouse et la sœur de la victime ont assigné la conductrice de la voiture et son assureur automobile (la société PACIFICA) en indemnisations des préjudices subis, en présence des organismes tiers payeurs.
La société PACIFICA a alors assigné en intervention forcé le passager arrière-droit de la voiture afin que ce dernier la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre, en raison de sa faute ayant consisté à tendre le bras droit par la fenêtre du véhicule pour jeter la cendre de sa cigarette sur la chaussée, au moment où le conducteur de la motocyclette entreprenait sa manœuvre de dépassement.
La MAIF, assureur de responsabilité civile du passager de la voiture, est intervenue volontairement à l’instance.
Par arrêt en date du 1er avril 2021, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a condamné in solidum le passager arrière-droit et la MAIF à relever et garantir intégralement le conducteur impliqué et la société PACIFICA.
Pour ce faire, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE énonce qu’il est constant que l’assureur automobile dispose d’un recours subrogatoire à l’encontre du tiers, à raison de sa faute personnelle, fondé sur le droit commun de la responsabilité.
Selon la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE, le passager de la voiture aurait commis une faute en sortant son bras droit par la fenêtre du véhicule pour jeter la cendre de sa cigarette sur la chaussée, au moment du dépassement de la motocyclette.
Le passager de la voiture et la MAIF se sont alors pourvus en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de leur pourvoi, ils rappellent que lorsqu’il a été condamné à indemniser la victime, l’assureur du véhicule impliqué dans l’accident, qui est tenu de couvrir la responsabilité de ses passagers, ne peut exercer de recours subrogatoire à leur encontre.
Or, par arrêt en date du 30 mars 2023 (Cour de cassation, Civile 2ème, 30 mars 2023, Pourvoi n°21-17466), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par le passager et son assureur de responsabilité et censuré la décision rendue par la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE au visa de l’article L.211-1 du Code des Assurances qui dispose que :
« Toute personne physique ou toute personne morale autre que l’Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Pour l’application du présent article, on entend par « véhicule » tout véhicule terrestre à moteur, c’est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée.
Les contrats d’assurance couvrant la responsabilité mentionnée au premier alinéa du présent article doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, à l’exception des professionnels de la réparation, de la vente et du contrôle de l’automobile, ainsi que la responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l’assurance. Toutefois, en cas de vol d’un véhicule, ces contrats ne couvrent pas la réparation des dommages subis par les auteurs, coauteurs ou complices du vol.
L’assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l’indemnité contre la personne responsable de l’accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire.
Ces contrats doivent être souscrits auprès d’une entreprise d’assurance agréée pour pratiquer les opérations d’assurance contre les accidents résultant de l’emploi de véhicules automobiles.
Les membres de la famille du conducteur ou de l’assuré, ainsi que les élèves d’un établissement d’enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur agréé, en cours de formation ou d’examen, sont considérés comme des tiers au sens du premier alinéa du présent article ».
En application des dispositions précitées, la Cour de cassation rappelle qu’après avoir indemnisé la victime d’un accident de la circulation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, dite Loi Badinter, l’assureur du véhicule, tenu de garantir également la responsabilité civile des passagers de ce même véhicule, ne peut exercer de recours subrogatoire contre ces derniers.
Par conséquent, le passager arrière droit, dont la responsabilité était garantie, en sa qualité de passager, par l’assureur qui avait indemnisé les ayants droit du conducteur de la motocyclette, ne pouvait pas faire l’objet d’un recours subrogatoire de la part de cet assureur, à raison de la faute qu’il aurait commise.