Violation du secret professionnel : un médecin conseil de compagnie d’assurance ne peut pas communiquer un rapport d’expertise amiable à un Expert Judiciaire sans l’accord de la victime sous peine d’être sanctionné pénalement et disciplinairement

Publié le 4/04/23

Le 7 octobre 2014, un homme assuré auprès de la société MACIF Assurances a été victime d’un accident de la circulation impliquant un poids-lourds assuré auprès de la société AXA Assurances. 

Une expertise médicale amiable a alors été réalisée par un médecin conseil de la société MACIF Assurances.

Le rapport a ensuite été transmis à la victime, à la MACIF et à la société AXA.

Ne souhaitant pas poursuivre la procédure amiable, la victime a assigné cette dernière devant le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de GRENOBLE qui, le 29 juin 2016, a ordonné une expertise judiciaire.

La réunion d’expertise judiciaire a eu lieu le 15 novembre 2016, au cours de laquelle était notamment présent le médecin conseil mandaté par la société AXA Assurances.

Au cours de la réunion, celui-ci remis à l’Expert Judiciaire le rapport établi par le médecin conseil de la société MACIF Assurances, remise à laquelle la victime s’est opposée.

Le 22 décembre 2017, la victime a fait citer le médecin conseil de la société AXA Assurances devant le Tribunal Correctionnel de GRENOBE du chef de violation de secret professionnel.

La juridiction a déclaré le médecin conseil coupable de ce délit, l’a condamné à 1.000 euros d’amende avec sursis et a statué sur les intérêts civils. 

Le médecin conseil de la société AXA Assurances a interjeté appel de ce jugement. 

Par arrêt en date du 5 novembre 2019, la Chambre des Appels Correctionnels de la Cour d’Appel de GRENOBLE a infirmé la décision rendue en première instance et relaxé le médecin conseil.

La victime s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.

Par arrêt en date du 16 mars 2021 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mars 2021, Pourvoi n°20-80125), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation de la victime et censuré la décision rendue par la Cour d’Appel de GRENOBLE.

En effet, comme le rappelle l’article 226-13 du Code pénal : 

« La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». 

Comme le précise la Cour de cassation, ce texte incrimine la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire.

Or, selon la Cour de cassation, le médecin conseil de la compagnie d’assurance a violé le secret professionnel dans la mesure où celui-ci a « remis volontairement à l’Expert Judiciaire un document médical, couvert par le secret, concernant M. F…, document qu’elle détenait en sa qualité de médecin-conseil de la société AXA Assurance, sans avoir obtenu l’autorisation préalable de l’intéressé ». 

Par conséquent, viole le secret professionnel le médecin conseil d’une compagnie d’assurances qui communique à l’Expert Judiciaire un rapport d’expertise amiable sans l’accord exprès de la victime et s’expose donc à une sanction pénale. 

***

Parallèlement à la procédure initiée devant les juridictions pénales, la victime de l’accident de la circulation a également porté plainte contre ce même médecin conseil devant la Chambre Disciplinaire de Première Instance de RHÔNE-ALPES de l’Ordre des Médecins. 

Par décision en date du 6 novembre 2017, cette dernière a infligé au médecin conseil de la société AXA Assurances la sanction du blâme, lequel a interjeté appel.

Par décision en date du 16 mars 2020, la Chambre Disciplinaire Nationale de l’Ordre des Médecins a toutefois annulé la décision rendue en première instance et rejeté la plainte de la victime de l’accident de la circulation.

Pour ce faire, la Chambre Disciplinaire Nationale de l’Ordre des Médecins a estimé qu’il n’y a pas eu violation du secret médical dès lors que l’obligation de respecter le secret médical s’appliquait aux médecins et que l’échange de telles données couvertes par le secret médical concourrait à la bonne administration de la justice et ce, même si la victime n’avait pas donné son consentement.

Cette dernière s’est donc pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.

Or, par arrêt en date du 15 novembre 2022 (Conseil d’Etat, 4ème et 1ère Chambres Réunies, 15 novembre 2022, N°441387), le Conseil d’Etat a censuré la décision rendue par la Chambre Disciplinaire Nationale de l’Ordre des Médecins et fait droit à l’argumentation développée par la victime et ce, au visa des articles L.1110-4, L.1110-12 et R.4127-4 du Code de la Santé Publique, outre l’article 275 du Code de Procédure Civile. 

En effet, le Conseil d’Etat rappelle qu’il résulte de l’article L.1110-4 du Code de la Santé Publique que le partage d’informations couvertes par le secret médical et nécessaires à la prise en charge d’une personne, entre professionnels de santé ne faisant pas partie de la même équipe de soins, requiert le consentement préalable de cette personne, ce à quoi l’article 275 du Code de Procédure Civile ne permet pas, en tout état de cause, de déroger. 

Par conséquent, un rapport d’expertise amiable ne peut pas être communiqué par un médecin conseil de compagnie d’assurances à un Expert Judiciaire sans l’accord de la victime.

A défaut d’accord de la victime, le médecin conseil de la compagnie d’assurances commet une violation du secret médical qui l’expose à des sanctions disciplinaires, en plus des éventuelles sanctions pénales. 

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