Cumul possible des pertes de gains professionnels futurs et de l’incidence professionnelle en cas d’exclusion définitive de la victime du monde du travail
Un homme, âgé de trente ans au moment des faits, a été renversé par un véhicule automobile et a subi un traumatisme crânien, dont les séquelles ont justifié sa prise en charge au sein d’une maison d’accueil spécialisée et son placement sous tutelle.
Par ailleurs, ses séquelles l’ont rendu inapte à tout emploi.
Le Tribunal Correctionnel territorialement compétent a déclaré la conductrice coupable de blessures involontaires.
Statuant ultérieurement sur intérêts civils, le Tribunal a alloué à la victime diverses indemnités en réparation de ses préjudices.
Cette décision ayant été contestée, la Cour d’Appel de PARIS, statuant sur intérêts civils, a refusé d’allouer à la victime une indemnité au titre de l’incidence professionnelle.
Aux termes de son arrêt, la Cour estime que la victime a déjà été indemnisée de l’impossibilité d’exercer une activité rémunératrice par la somme accordée au titre des pertes de gains professionnels à titre viager.
Par ailleurs, elle ajoute que les troubles dans les conditions d’existence personnelles, familiales et sociales engendrées par la privation de toute activité professionnelle ont également été indemnisés dans le cadre de la réparation du déficit fonctionnel permanent.
Ainsi, dès lors que la victime se serait vue indemniser de l’ensemble de ses pertes de salaires à titre viager et de son déficit fonctionnel permanent, elle ne pourrait pas solliciter, en plus, la réparation de son incidence professionnelle.
La victime s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Par arrêt en date du 6 septembre 2022 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 6 septembre 2022, Pourvoi n°21-87172), la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de PARIS et fait droit à l’argumentation développée par la victime et ce, au visa de l’article 1240 du Code civile et du principe de la réparation intégrale, sans pertes ni profits.
Comme le rappelle la Cour de cassation, « le préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail est indemnisable au titre de l’incidence professionnelle ».
Ainsi, selon la Cour de cassation, en cas d’inaptitude de la victime à tout emploi postérieurement à un accident, il est parfaitement possible pour cette dernière de cumuler :
- Des salaires versés de façon viagère au titre des pertes de gains professionnels futurs ;
- Une indemnité au titre du déficit fonctionnel permanent ;
- Un indemnité au titre de l’incidence professionnelle correspondant à la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.
L’indemnisation viagère des pertes de gains professionnels et du déficit fonctionnel permanent n’exclut en rien la réparation de l’incidence professionnelle.