Une infection est bien nosocomiale même en cas de dénutrition sévère du patient et de frottement des ridelles du lit médicalisé
Une patiente, âgée de 96 ans, a été opérée le 1er juillet 2016 pour la pose d’une prothèse de hanche au sein du Centre Hospitalier de la Martinique, avant d’être transférée, le 12 juillet 2016, pour des soins de suite et une rééducation au sein du Centre Hospitalier Romain-Blondet de SAINT-JOSEPH.
Au cours de son hospitalisation, son état de santé s’est dégradé ; elle a notamment contracté des plaies infectées aux jambes.
Elle a été reconduite, le 9 septembre 2016, à son domicile, où elle est décédée un mois plus tard.
Estimant que sa prise en charge au sein du Centre Hospitalier Romain-Blondet avait été fautive, ses ayant droits ont demandé à cet établissement de santé de réparer divers préjudices qu’ils évaluaient à 135.000 euros.
Le Tribunal Administratif de la Martinique, par jugement en date du 4 décembre 2018, puis la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX, par arrêt en date du 11 mars 2021, ont toutefois rejeté leurs demandes.
Pour exclure toute infection nosocomiale, la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX a notamment estimé que la patiente présentait une dénutrition sévère qui l’exposait particulièrement à des difficultés de cicatrisation.
Les ayant droits de la patiente défunte se sont alors pourvus en cassation devant le Conseil d’Etat.
Par arrêt en date du 15 juillet 2022 (Conseil d’Etat, 5ème Chambre, 15 juillet 2022, N°452391), le Conseil d’Etat a fait droit à l’argumentation des ayant droits et censuré l’arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX.
Comme le rappelle le Conseil d’Etat, « aux termes du second alinéa du I de l’article L.1142-1 du Code de la Santé Publique, les professionnels de santé et les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins « sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ». Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge ».
Il ajoute que « un état initial comportant une exposition particulière à l’infection ne peut être regardé en lui-même comme l’origine de cette infection, et qu’au surplus il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis et n’était plus contesté par le Centre Hospitalier que l’infection de Mme G…, qui n’était ni présente ni en incubation au début de sa prise en charge, avait été provoquée par le frottement des ridelles de son lit médicalisé ».
Selon le Conseil d’Etat, la patiente a donc bien été victime d’une infection nosocomiale, ouvrant droit à indemnisation au bénéfice de ses ayant droits.