Scène unique de violence et condamnation pénale

Scène unique de violence et condamnation pénale
Publié le 8/08/22

Quatre fonctionnaires de police, à bord de deux véhicules, ont été attaqués par un groupe d’une quinzaine de personnes qui ont jeté dans leur direction des bouteilles incendiaires et des pavés. 

Un homme, mineur au moment des faits, a été mis en examen et renvoyé, avec douze autres personnes, devant la Cour d’Assises des mineurs de l’Essonne, des chefs de tentatives de meurtres sur personnes dépositaires de l’autorité publique.

La Cour d’Assises a statué par arrêt en date du 4 décembre 2019.

L’accusé et le Ministère Public ont relevé appel de cette décision.

Par arrêt en date du 18 avril 2021, la Cour d’Assises des mineurs de PARIS a déclaré l’accusé coupable d’avoir, le 8 octobre 2016, tenté de donner volontairement la mort à quatre personnes dépositaires de l’autorité publique, l’a exclu du bénéfice de la diminution de peine prévue par l’article 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 et l’a condamné à une peine de dix-huit ans de réclusion criminelle. 

Le coupable s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.

Aux termes de son pourvoi, il rappelle que la tentative de meurtre suppose la commission d’un acte matériel positif de nature à causer la mort d’autrui.

Qu’en se bornant à retenir, d’une part, que les faits constituent une scène unique de violence, qui doit être appréciée dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de préciser les faits et gestes de chacun des participants à l’attaque, et, d’autre part, que l’accusé était présent sur les lieux au moment de l’attaque, sans caractériser le moindre acte positif susceptible de causer la mort des victimes à l’encontre de celui-ci, la Cour d’Assises d’appel n’aurait pas réussi à caractériser une tentative de meurtre.   

Toutefois, par arrêt en date du 23 mars 2022 (Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mars 2022, Pourvoi n°21-82958), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation du coupable et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Assises des mineurs de PARIS. 

Comme le rappelle la Cour de cassation : 

« Pour déclarer l’accusé coupable de tentatives de meurtres aggravés, la feuille de motivation énonce que seize hommes vêtus de noir, dont les visages étaient dissimulés, sont arrivés groupés, en courant, à l’arrière d’un des véhicules de police, qu’ils étaient porteurs de pavés et d’une douzaine de cocktails Molotov déjà allumés, lancés à très courte distance dans l’habitacle du véhicule, qui s’est immédiatement embrasé, alors que deux policiers se trouvaient à l’intérieur.

Les juges énoncent que l’intention homicide des auteurs est établie par différents éléments, résultant notamment des auditions des parties civiles, des constatations effectuées par les enquêteurs, et des films de vidéosurveillance projetés à l’audience.

Ils ajoutent que l’attaque a duré quelques dizaines de secondes, qu’elle est l’oeuvre d’un groupe organisé et préparé, qui a manifestement effectué un repérage préalable.

Ils concluent à cet égard que les faits constituent donc une scène unique de violence, qui doit être appréciée dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de préciser les faits et gestes de chacun des participants à l’attaque.

S’agissant de [J] [K] spécialement, la feuille de motivation énonce, notamment, que l’accusé reconnaît appartenir à la bande de la « Serpente », et énumère les éléments au titre desquels elle retient qu’il en est le meneur. Elle se fonde sur les déclarations de deux personnes, selon lesquelles, la veille des faits, [J] [K] a été vu préparer des cocktails Molotov, avec deux autres personnes dont le visage était dissimulé par des cagoules. Elle relève que parmi les attaquants filmés par un tiers, apparaît un individu dont la main gauche est totalement blanche, et que [J] [K] n’a pas contesté à l’audience que le 17 juillet 2016, il avait été opéré de la main gauche, après s’être blessé la veille avec un mortier d’artifice. Elle se réfère à la mise en cause de l’accusé par deux renseignements anonymes, mais aussi par un témoin anonyme et par deux témoins, l’un d’eux ayant maintenu à l’occasion d’une confrontation l’avoir reconnu à son physique, sans connaître son nom, parmi les fuyards, après l’attaque, mais aussi avoir appris par un tiers qu’il faisait partie des assaillants.

Elle conclut qu’au regard de l’ensemble de ces éléments, [J] [K] doit être déclaré coupable des faits de tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique.

En statuant ainsi, la cour d’assises n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.

En effet, d’une part, lorsque des violences ont été exercées volontairement et simultanément, dans une intention homicide, par plusieurs accusés, au cours d’une scène unique, l’infraction peut être appréciée dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire pour les juges du fond de préciser la nature des violences exercées par chacun des accusés sur chacune des victimes.

D’autre part, les énonciations de la feuille de questions et celles de la feuille de motivation mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’assises, statuant en appel, a caractérisé les principaux éléments à charge, résultant des débats, qui l’ont convaincue de la culpabilité de [J] [K].

Par ailleurs la procédure est régulière et les peines ont été légalement appliquées aux faits déclarés constants par la cour et le jury
 ».

Par conséquent, force est de constater que lorsque des violences ont été exercées volontairement et simultanément, dans une intention homicide, par plusieurs accusés, au cours d’une scène unique, l’infraction peut être appréciée dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire pour les juges du fond de préciser la nature des violences exercées par chacun des accusés sur chacune des victimes. 

Article rédigé avec la participation de Madame Bertille COUTELLE, stagiaire en M2 de Droit de la Santé

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