Une infection est bien nosocomiale même en cas de tabagisme du patient et d’état cutané anormal antérieur à l’intervention
Le 26 décembre 2009, un homme présentant une fracture de cheville a subi une ostéosynthèse pratiquée par un chirurgien libéral au sein d’une clinique.
Les suites opératoires ont été compliquées par un gonflement de la cheville et une inflammation nécessitant une nouvelle intervention, à l’occasion de laquelle les prélèvements réalisés ont mis en évidence la présence d’un staphylococcus aureus multisensible.
Après avoir sollicité une expertise judiciaire, le patient a assigné en indemnisation la clinique, le chirurgien et l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (l’ONIAM) en indemnisation de ses préjudices et ce, en présence des tiers payeurs.
Par arrêt en date du 9 juin 2020, la Cour d’Appel de GRENOBLE l’a toutefois débouté de ses demandes indemnitaires, estimant que son infection ne présentait pas un caractère nosocomial.
Pour écarter le caractère nosocomial de linfection contractée par le patient, la Cour d’Appel estime que celui-ci présentait un état cutané anormal antérieur à l’intervention caractérisé par la présence de plusieurs lésions, que le germe retrouvé au niveau du site opératoire correspondait à celui trouvé sur sa peau et que, selon l’expert judiciaire, son état de santé préexistant et son tabagisme chronique avaient contribué en totalité aux complications survenues.
Le patient s’est alors pourvu en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de son pourvoi, il rappelle que les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.
Que présente un tel caractère l’infection, d’origine exogène ou endogène, survenant au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci.
Or, par arrêt en date du 6 avril 2022 (Cour de cassation, Civile 1ère, 6 avril 2022, Pourvoi n°20-18513), la Cour de cassation a censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de GRENOBLE et fait droit à l’argumentation développée par le patient.
Comme le rappelle la Cour de cassation au visa des articles L.1142-1 I alinéa 2 et L.1142-1-1 1° du Code de la Santé publique, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère.
Elle ajoute qu’ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale, les dommages résultant d’infections nosocomiales dans ces établissements, services ou organismes correspondant à un taux d’atteinte à l’intégrité physique ou psychique supérieur à 25% déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales.
La Cour de cassation rappelle que :
« Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge ».
Selon la Cour de cassation, en se déterminant par des motifs tirés de l’existence de prédispositions pathologiques et du caractère endogène du germe à l’origine de l’infection ne permettant pas d’écarter tout lien entre l’intervention réalisée et la survenue de l’infection, la Cour d’Appel de GRENOBLE a méconnu les textes précités.
Une infection est donc bien nosocomiale même en cas de tabagisme du patient et d’état cutané anormal antérieur à l’intervention.
Article rédigé avec la participation de Madame Bertille COUTELLE, stagiaire en M2 de Droit de la Santé.