Accident de la circulation et garde du véhicule
Le propriétaire d’un tracteur a confié celui-ci à un garage afin de rechercher l’origine d’une fuite d’huile.
Un salarié du garage s’est glissé sous l’engin agricole et a demandé au propriétaire d’actionner le démarreur du véhicule.
Le tracteur s’est malencontreusement mis en mouvement et a roulé sur l’employé, le blessant grièvement.
La victime a alors assigné le propriétaire de l’engin agricole, l’assureur automobile de ce dernier, son employeur et l’assureur de celui-ci et ce, en présence des tiers payeurs.
Par arrêt en date du 8 septembre 2020, la Cour d’Appel de NANCY a déclaré le propriétaire du tracteur entièrement responsable du préjudice subi par la victime et l’a condamné, in solidum avec son assurance automobile, à lui payer différentes sommes à titre de dommages-intérêts.
Pour ce faire, la Cour d’Appel de NANCY a considéré que le propriétaire du véhicule était demeuré gardien de son tracteur confié pour réparation au garage, au motif qu’il n’était pas établi qu’il avait averti le garagiste de l’absence de sécurité que présentait son tracteur lors de la mise en route.
Le propriétaire du tracteur et son assureur se sont pourvus en cassation à l’encontre de cette décision.
Aux termes de leur pourvoi, ils estiment que le fait d’avoir confié le véhicule au garagiste avait fait perdre au propriétaire sa qualité de gardien.
Ils ajoutent que « le fait, pour ce propriétaire, de mettre en marche le moteur dudit véhicule en actionnant le contact, à la demande expresse du professionnel de la réparation, ne lui fait pas reprendre la garde de son véhicule puisqu’il n’a aucun pouvoir de direction ou de contrôle sur celui-ci, dès lors qu’il ne peut pas l’utiliser à sa guise de manière autonome ».
Toutefois, par arrêt en date du 31 mars 2022 (Cour de cassation, Civile 2ème, 31 mars 2022, Pourvoi n°20-22594), la Cour de cassation a rejeté l’argumentation développée par le propriétaire du tracteur et confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de LYON.
Comme le rappelle la Cour de cassation :
« si le propriétaire d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation en est présumé être gardien, il peut apporter la preuve qu’il en avait confié la garde à une autre personne et que, si l’accident trouve sa cause dans un défaut du véhicule, remis à un tiers lors de l’accident, la qualité de gardien peut, sauf si ce dernier avait été averti de ce vice, demeurer au propriétaire, en tant qu’il a la garde de la structure du véhicule impliqué ».
Elle ajoute qu’il « résulte des opération d’expertise que le tracteur de M. [J], qui a roulé sur le corps de M. [P] et lui a occasionné des blessures, était un véhicule dangereux en ce que la sécurité de démarrage, vitesse engagée, n’était plus fonctionnelle et que, selon un témoin, lorsque M. [J], à la demande de M. [P], a actionné la clef de contact tout en restant debout près du tracteur, celui-ci a démarré, a avancé et est passé sur le corps de M. [P] ».
Par ailleurs, « le tracteur ne se serait pas déplacé si une vitesse n’était pas restée enclenchée, que la cause de l’accident réside dans la défaillance du système de sécurité et que la preuve n’étant pas rapportée de ce que M. [J] avait averti M. [P] de cette absence de sécurité, il y a lieu de considérer qu’il était resté gardien de la structure de son véhicule ».
Par conséquent, au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour de cassation considère que le propriétaire du tracteur avait conservé la garde de son véhicule, de sorte qu’il était tenu, en cette qualité, d’indemniser la victime en application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation.
Article rédigé avec la participation de Madame Bertille COUTELLE, stagiaire en M2 de Droit de la Santé.