Possibilité de solliciter la nullité d’un rapport d’expertise après le rejet d’une demande de remplacement de l’Expert par le Juge en charge du contrôle des expertises
Dans le cadre d’un litige opposant plusieurs sociétés à la suite d’un incendie, une mesure d’expertise judiciaire a été ordonnée par le Tribunal compétent.
Au cours des opérations d’expertise, l’une des sociétés a saisi le Juge en charge du contrôle des expertises afin de solliciter le remplacement de l’Expert et la réouverture de l’expertise.
Cette demande a toutefois été rejetée par le Juge.
Par ailleurs, les honoraires de l’Expert Judiciaire ont été fixés en écartant les demandes de la même société tendant à les voir diminuer en raison de la mauvaise qualité du rapport, du non-respect des délais impartis et d’un manque d’objectivité et d’impartialité.
Dans le cadre de la procédure au fond opposant les différentes sociétés, la nullité du rapport a alors été sollicité.
Toutefois, par arrêt en date du 4 novembre 2019, la Cour d’Appel de PARIS a rejeté cette demande en estimant que :
– « Par ordonnance en date du 30 avril 2014, le Juge chargé du contrôle des expertises du Tribunal de Commerce de NANTERRE a déclaré irrecevables les demandes formées par la société en remplacement de l’Expert et en réouverture de l’expertise et que cette ordonnance est définitive en l’absence d’appel » ;
– « Par ordonnance en date du 11 mars 2015, le Premier Président de la Cour d’Appel de VERSAILLES a fixé la rémunération de l’Expert en écartant les demandes de la société tendant à diminuer le montant de ses honoraires en raison de la mauvaise qualité du rapport, du non-respect des délais impartis et d’un manque d’objectivité et d’impartialité, et que ces griefs exactement repris devant la Cour ont ainsi été écartés par une décision ayant autorité de chose jugée »
La Cour d’Appel de PARIS en déduit qu’elle n’avait pas à examiner la demande de nullité du rapport d’expertise, qui avait été définitivement rejetée selon elle.
La société ayant sollicité la nullité du rapport d’expertise judiciaire s’est alors pourvue en cassation à l’encontre de cette décision.
Or, par arrêt en date du 16 septembre 2021 (Cour de cassation, Civile 2ème, 16 septembre 2021, Pourvoi n°19-26106), la Cour de cassation a fait droit à l’argumentation développée par la société et censuré l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de PARIS, au visa des articles 1355 du Code civil et 171 du Code de procédure civile.
Comme le rappelle la Cour de cassation, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet d’un jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause, soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité.
Elle ajoute que les décisions prises par le juge de l’expertise commis ou par le juge chargé du contrôle n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée.
La Cour de cassation poursuit en précisant que « l’ordonnance du 30 avril 2014 du juge chargé du contrôle de l’expertise n’avait pas autorité de chose jugée » et que « l’ordonnance du 11 mars 2015 ne statuait pas sur une demande de nullité de l’expertise ».
Par conséquent, la société mécontente du rapport d’expertise était recevable à formuler une demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire et la juridiction saisie était tenue de l’examiner.
Le rejet d’une demande de remplacement et le rejet d’une demande de réduction des honoraires d’un Expert Judiciaire n’empêchent donc pas, ensuite, de solliciter la nullité de son rapport d’expertise.